La crise du socialisme
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"La crise du socialisme" est un écrit de circonstance portant la marque d’un "événement" particulier, la défaite des Travaillistes aux élections, attestant la sensibilité politique de Ricœur à l’égard des questionnements de son temps. Il porte sur la possibilité pour le socialisme d’accéder aux responsabilités sans opérer de changement dans son langage, sans inscription de son idéologie dans les réalités économiques du XXe siècle, sans rénovation de l’idéologie par "un grain d’utopie".
IIA116, in Christianisme social 67/12 (1959)
décembre, 695-702.
© Fonds Ricœur
Note éditoriale
La revue Christianisme social publie dans son numéro 12
de décembre 1959 un texte intitulé « La crise du
socialisme ». Comme tous les écrits de circonstance, il
porte la marque d’un « événement », ici la défaite des
Travaillistes aux élections, attestant la sensibilité politique
de Ricœur à l’égard des questionnements de son temps.
En outre, il témoigne doublement de l’engagement
intellectuel de son auteur tant dans la vie de l’Église que
dans celle, inséparable, de la société. Approche
congruente avec le projet de la revue visant à réfléchir,
entre autres, aux difficultés nées de la Révolution
industrielle.
Ici, comme dans le recueil Histoire et vérité, Ricœur fait
montre d’une « pédagogie politique » marquée par
l’influence du personnalisme d’Emmanuel Mounier. Un
souci éthico-politique se dégage du texte : l’homme de la
civilisation occidentale est-il encore capable de socialisme
dès lors que la société industrielle a engendré un homme
nouveau, l’homme de la société de consommation, pour
qui la satisfaction des désirs est à la fois le moyen et la fin
de son existence ? À cet égard, ce texte participe de la
« critique de la civilisation » menée par Ricœur dans les
années 50-60. Il convient dès lors de remarquer que cette
analyse exprime combien, récusant l’opposition marxienne
de la 11e Thèse sur Feuerbach, le philosophe s’évertue à
unifier dans sa pensée à la fois la théorie et la praxis.
Plus largement, ce texte s’inscrit dans la philosophie
politique
de
l’auteur
dont
l’acte
inaugural
est
«Le paradoxe politique » publié en 1957 dans la revue
Esprit. Mais ici, la question du pouvoir prend pour
même
pour
le
socialisme
axe
la
possibilité
d’accéder
aux responsabilités
sans
opérer
de
changement dans son langage, sans inscription de son
idéologie dans les réalités économiques du XXe siècle,
sans rénovation de l’idéologie par « un grain d’utopie ».
On liera ce texte avec un autre de la même année, « Du
marxisme au communisme contemporain », dans la
mesure où l’un et l’autre aident à élaborer et à saisir la
relation de Ricœur avec les grands mouvements et idées
politiques de son temps.
L’originalité
l’ouverture
politique, à
vigoureuse
de l’article est triple. Ricœur y manifeste
explicite de son œuvre à une dimension
la fois théorique et pratique. Il propose une
interprétation des effets anthropologique,
éthique et politique de la société de consommation. Il
exprime une sensibilité continuée à l’égard des problèmes
économiques.
(A. Dumont, pour le Fonds Ricœur).
Résumé : « La crise du socialisme » est un écrit de
circonstance portant la marque d’un « événement »
particulier, la défaite des Travaillistes aux élections,
attestant la sensibilité politique de Ricœur à l’égard des
questionnements de son temps. Il porte sur la possibilité
pour le socialisme d’accéder aux responsabilités sans
opérer de changement dans son langage, sans inscription
de son idéologie dans les réalités économiques du XXe
siècle, sans rénovation de l’idéologie par « un grain
d’utopie ».
Mots-clés : socialisme, société
aliénation, idéologie, travail, utopie.
de
consommation,
Rubrique : Essais philosophiques, éthiques et politiques
(1948-2005).
~
IIA116, in Christianisme social 67/12 (1959)
décembre, 695-702.
© Fonds Ricœur
Note éditoriale
La revue Christianisme social publie dans son numéro 12
de décembre 1959 un texte intitulé « La crise du
socialisme ». Comme tous les écrits de circonstance, il
porte la marque d’un « événement », ici la défaite des
Travaillistes aux élections, attestant la sensibilité politique
de Ricœur à l’égard des questionnements de son temps.
En outre, il témoigne doublement de l’engagement
intellectuel de son auteur tant dans la vie de l’Église que
dans celle, inséparable, de la société. Approche
congruente avec le projet de la revue visant à réfléchir,
entre autres, aux difficultés nées de la Révolution
industrielle.
Ici, comme dans le recueil Histoire et vérité, Ricœur fait
montre d’une « pédagogie politique » marquée par
l’influence du personnalisme d’Emmanuel Mounier. Un
souci éthico-politique se dégage du texte : l’homme de la
civilisation occidentale est-il encore capable de socialisme
dès lors que la société industrielle a engendré un homme
nouveau, l’homme de la société de consommation, pour
qui la satisfaction des désirs est à la fois le moyen et la fin
de son existence ? À cet égard, ce texte participe de la
« critique de la civilisation » menée par Ricœur dans les
années 50-60. Il convient dès lors de remarquer que cette
analyse exprime combien, récusant l’opposition marxienne
de la 11e Thèse sur Feuerbach, le philosophe s’évertue à
unifier dans sa pensée à la fois la théorie et la praxis.
Plus largement, ce texte s’inscrit dans la philosophie
politique de l’auteur dont l’acte inaugural est « Le
paradoxe politique » publié en 1957 dans la revue Esprit.
Mais ici, la question du pouvoir prend pour axe la
possibilité même pour le socialisme d’accéder aux
responsabilités sans opérer de changement dans son
langage, sans inscription de son idéologie dans les réalités
économiques du XXe siècle, sans rénovation de l’idéologie
par « un grain d’utopie ».
On liera ce texte avec un autre de la même année, « Du
marxisme au communisme contemporain », dans la
mesure où l’un et l’autre aident à élaborer et à saisir la
relation de Ricœur avec les grands mouvements et idées
politiques de son temps.
L’originalité
l’ouverture
politique, à
vigoureuse
de l’article est triple. Ricœur y manifeste
explicite de son œuvre à une dimension
la fois théorique et pratique. Il propose une
interprétation des effets anthropologique,
éthique et politique de la société de consommation. Il
exprime une sensibilité continuée à l’égard des problèmes
économiques.
(A. Dumont, pour le Fonds Ricœur).
Résumé : « La crise du socialisme » est un écrit de
circonstance portant la marque d’un « événement »
particulier, la défaite des Travaillistes aux élections,
attestant la sensibilité politique de Ricœur à l’égard des
questionnements de son temps. Il porte sur la possibilité
pour le socialisme d’accéder aux responsabilités sans
opérer de changement dans son langage, sans inscription
de son idéologie dans les réalités économiques du XXe
siècle, sans rénovation de l’idéologie par « un grain
d’utopie ».
Mots-clés : socialisme, société
aliénation, idéologie, travail, utopie.
de
consommation,
Rubrique : Essais philosophiques, éthiques et politiques
(1948-2005).
~
Paul Ricœur
LA CRIS.E DU SOCIALISME
'
des travaillist es a n glais (1 ) donn e à t ou s l'occas ion d e re pense r à n ou vea u les grand es t âch es
d e l'Occident europ éen pour l es proch a in es d éca d es.
L a crise d u soc iali sme ·fa it d ésorm ais p arti e de l a
co nj on ctur e -à pa rti r d e laqu ell e ces t âch es so nt à réévalu er. ~o n pas qu e l'éch ec ·des trava illistes an glaiS! soit
ca tastrophiq ue ; en lui-mêm e, il n 'est qu ' un accide nt élect or al ; après t out, les tr availlistes n 'o nt m anqu é la m ajor ité qu e d e qu elqu es unités po ur cent ; le succès p er so nn el de Mac lVIilla n et de sa p olitiqu e d e p aix n e s~i gnifi e
ri en p our ou ·contr e le soci alism e ; o n peut le co n sidé r er
co mm e un fact eur n on-essenti el d e la p olitique à lon g
t erme de l'Occid ent, au rega rd d es gr a nds enj eùx d e la
sociét é in d ustr ielle et de l'aveni r du soc ialisme.
To ut cela es t v i~a i ; et p ou rta nt ch ac un a senti qu e la
s ignifi ca ti on sy mboliqu e de cet èch ec d épassa it sa s ignifi cati on imm édi a te, litt ér ale, ci r co n st an ciell e.
Po urqu oi ?
P ar ce que n ous avo n s tous le pressentim e-nt q ue le trava illi sm e an glais est , d e touSI les socialismes min oritaires,
l e mi eux placé p o ur gagn er et que s'il n e gagn e p as, auc un
n e p ourra gagn er. 'Et puis ce p r essentiment en entraîn e un
L
ÉC H EC
(l ) L ire S . H. Schram : " La Socia l-dé m oc r at ie d a n s l'i m passe ., d a n s not r e dern ie r num é r o e t d an s celui -ci les éch os du
Co n gr ès traYa illi ste.
696
PAUL RICŒUR
autre, plus grave : l'expansion de la société industrielle
n'est-elle pas de telle nature qu'elle est en train de rendre
de plus en plus improbable le succès dtz socialisme en Occidel1't ?
C'est ce soupçon que je voudrais d'abord tirer au clair,
afi,n d' esquisser ensuite ce qui me parait devoir être la
juste riposte de la g::.uche socialiste dans les · années à
venir.
I
pense qu'il faut aller tout de suite au .fond de nos
craintes ; par delà les combinaisons électorales, par
delà l'ayenture des (( machines >> politiques - ici le
« travaillisme >>, là la « Social-Démocratie >>, chez nous
la vieille S. F. I. O. et les nouvelles gauches - ce qui
fait question, c'est le ty,p e de société humaine .q ui est en
train de prendre figure -soùs l'influence de l'industrialisation avancée. Or cette société est, par bien des. traits,
anti-politique, anti-communautaire, anti-révolutionnaire.
Cette société, on l'a décrite comme so-ciété de cc·niS'ommation; et c"est juste ; car la grande affaire, ce n'est pas
pour elle la relation de l'homme à son travail et au produit de son travail, c'est la relation à la chose à consommer, à consumer, ·c 'est-à-dire à dlétrlwire par lŒ jouissil1nce.
L''h omme de la consommation se caractérise ·à la .fois. par
un e satisfaction croissante et par un'e insatisfaction ·c roissante. Une satis,faction croissante, en ce sens que non ·
seulement les groupes le.s mieux .favorisés, mais une fraction importante de l'ancienne classe 0uvrière, comptent
sur l'expansion de la société industrielle, telle qu'elle a
pris forme sous l'impulsion du capitalisme occidental,
pour augmeqter indéfiniment la satis,faction privée (individu et groupe familial) ; c'est à l'expansion de cette
société que l'homme de la consommation demande la répense à ses besoins croissants ; c'est d'elle qu'il attend
la satisfaction majeure. :Mais en même temps ·c et homme
de la consommation est de plus en plus insatisfait : ·c ar
la société industrielle ne cesse de sus·c iter de· nouveaux
besoins, de nouveaux désirs, ·q ui sont toujours !lill' delà de
la satisfaction acquise. L'homme de la consommation vit
à la .foiSJ dans ses besoins et à la limit.'e· de ses, besoins. Il
désire toujours · plus. Or cette insatisfaction croissante,
J
E
LA ClUSE DU SOCIALISME
69·7
loin de l'opposer à la société industrielle, le colle à cette
société et l'en rend entièrement dépendant : la publicité
enchaîne ses désirs et le crédit enchaîne sa solvabilité.
L'homme de la société de consommation adhère sans distance ·à son monde de productivité croissante et de jouissance croissante ; il est parfaitement intégré à des modèles
communs de loisir, de distraction, de jouissance. Il est
d'autant moins révolté qu'il est plus intégré. Et il est d'autant plus intégré qu'i·l est possédé par ses possessions.
Un affreux slo·gan que cite J.-ôf. Domenach dans son
rapport au Congrè·s Espll'lt de cet automne, est affiché par
une firme de la vertueuse et productive Allemagne fédérale : hast du "\-vas, dann bist du was ! Si tu as quelque
chose, tu es 'q u·e lque chose ! (Il est vrai que le slo.g an ne
dit pas : ... tu es quelqu'un, mais : ... tu es quelque chos").
Et J.-~1. Domenach ajoute : n'est-ce pas le triomphe de
la propriété la plus anti-progressiste du XIXe siècle, celle
de Nietzsche vaticinant : « Le peuple créera une classe
moyenne qui fera oublier le socialisme comme une maladie qu'on a surmontée ? »
N'est-ce pas là notre crainte de fond ? qu'une société
de consommation, axée sur une civilisation de type
« dasse-moyenne >>, détruise simultanément les valeurs
aristocratiques et celles ·q ui étaient nées de la colère des
pauvres et de leur appétit de justice, de dignité, de reconnaissance ? Notre crainte n'est-elle pas que cette classe
moyenne ·continue, aux dépens du socialisme ct de son
espoir concernant la réconciliation entre l'homme et le
fruit de son travail, l'action destructive que la civilisa tion
bourgeoise avait exercée à l'égard des valeurs aristocrati·qnes de noblesse, d'honneur, de fidélité ?
Car c'est une nouvelle espèce d'aliénatfo,n , dont la critique est déjà ·c ommencée par les meilleurs sociologues
américains, qui prend corps sous nos yeux. 'Cet homme
de la ·c onsommation, qui colle à la civilisation industriell8
en expansion, est en m ême temps un ·h omme séparé de
lui-même et de son prochain, c'est-à-dire aliéné. Plusieurs
psychanalystes américains ont souligné le progrès d'une
névrose diffuse, à b ase non plus de conflits et de refoulement, mais de perte du contact affe·ctif, d'éloignement
et d'étran geté ; les relations humaines deviennent faciles
et supel1 fidelles ; la sexualité n'en gage pas, préoccu·pe et
698
PAUL R ICŒU R
ennui e les p a rten aires ; l'h ygi èn e et la sati sf action r uin ent la t endr esse e t la passion. L'h omm e à l'aise da ns
ses b esoin s est m al à l'ai SJe au rfon d d e lui-mêm e. L a p ert e
d es fin s l'inquièt e obs curém ent d an SJ l'a b ond an ce d es
moye n s. Conso mmer, pG•u'J·quoi f ail"e ? La v ic toire S L! t· le
b esoin ser ait-ell e un e ab SJurd e vi ctoire, un e d éfaite fond am entale ?'
Voilà ce ·q u e je vois à l'a rri èr e-pla n d u dép éri ssem e nt
d es idéologies, d e l' aff aiblisSJem ent d es sodali smes, d e la
c hute du milita ntis me.
J e n e ve ux p as dire qu.'il n ' j~ ait pas de p a u vr·e s d an s
la s•ociété occid entale ; il y en a b ea uco up , m êm e a ux
E tat s-Uni s : c h ôm e urs « t echnologiqu es )) , titul air es de
so us-empl ois, n è·gr es. et porto-ri cain s ; et d a n s no s so ciétés
e urop éenn es la d étress e est en cor e va st e et m a ssi ve. Mais
le fait d écisif est que cette couche d e la sociét é industri elle
n e para ît plus p ou voir e ngendrer , à elle seul e et p a r ses
se ul es for ces, un e id éol ogie d e comb at ; e-ll e devie nt ell em êm e un ph én om èn e de d éch et dan s la soc iété indu stri ell e et d out e d 'H r e « l'ava nt-ga rd e de }'·hum anité pr ogr essist e », comme disait la phraséologie m a rxist e. C'est
la cl asse m oye nn e qui donn e le t on , qui diffu se son co nf o rmi sm e et r ép an d s on nréamt id éo log ique sur t out e la
socié té de co nso mm ati on.
II
fai r·e '? Con se ntir ?' Hen o n ce r n o us -mêm e à pr êc h er les implica ti on s s oci ales d e l'E va n gil e, à tirer
les con séqu en ces p our l a commun auté d e la f olle
pré di ca tion d e l' éga lité, d e la justice et qe l' am our "t
Non p oint.
Q
UE
Nous avo n s d'a bord à épuru notre langage ; j'e ntends.
p a r lù , bi en entendu , a utre ·c ho se qu e la corre ction
d e n otre gramm aire et d e n otre style ; il s'agit bien
plutôt d e purger notre phraséologi e d e tout ce qu'elle
tr aîn e d e sur ann é et d e mort, d e tout ·ce .q ui eS~t r ép étition
d e sloga n , d e toutes les a n alyses p é rim ées ; le socialism e
vit ·bi en so uve nt d e sch ém as ce ntenaires, qu a rante-hui-
1)
LA CRISE DU SOCIALISME
699
tnrds et communards, et trahit une incroyable paresse
mentale ; tant que nous n'aurons pas procédé à cette
auto-critique de la concep tm1lisation reçue du XIX" siècle,
nous ne s~erons pas entendus ; bien plus, nous contribuerons au nihilisme de notre temps pat~ notre verbalisme et
notre impui ssance à décrire et à analyser le monde réel
d'aujourd'hui.
2)
Après cette réforme personnelle, notre tâche est
d'embray·e•r sur les problèmes effeclij's de la société
dll xxe siècle. François Perroux nous donne ici un
magnifi·q u•e exemple : le problèmee majeur de la
s•econd e moiti é du xx• siècle, selon lui, c'est l'aménagement de la coexistence pacifique. l~'lais il est vain de le
répéter, si nous ne sommes pas capables' d'interpréter
co rrectement la dynamique des deux systèmes, par delà
la phras·éologie de chacun d'entre eux, c'est-à-dire par
delà la propagande de chacun et par delà l'interprétation polémi~qu e qu'il donne de l'autre. La coexistence
pacifi.que, c'est bien autre chose qu 'un armistice militaire ou qu 'un programme d'échanges commerciaux et
culturels, c'est le problème d'une économie du genre humain. Pour la première fois nous sommes en état de conc evoir une économie planétaire, dont le problème crucial
est con stitué par le sous-développement.
Si donc la première tâche du· socialisme est de purger
sa phraséologie, sa seconde tâche est de changer d'échelle
et d'attaquer le problème posé aux 6conomies ric:hes par
le sous-d éveloppement dans le monde afin d'amorcer la
réalisation d'une économie planétaire ; les transferts et
les dons que requiert cette économie humaine, permett~nt
de reposer en termes rajeunis tou~S les problèmes classiques de la direction et de la planification de l'économie
·e t de la lutte contre la résistance des intérêts privés.
3)
:Mais le souci d'une économie humaine, sous la
forme réduite ·q u,' on lui donne d'ordinaire quand
on parle << d'aide aux pays sous-développés », peut
ètre un nouvel alibi pour l'idéologie de gauche. En
France, la tâche positive du. socialisme est de Tlej'laire
tout~ ses wwlyses à partir des plr'oblèmes réels po1
s és• p.a.r
l'e.x:p)(l'n sion de l'éc·o ncmie naticNmle. Loin que ces problè-
700
PAUL RICŒUR
mes éloignant du socialisme, il s'y ramènent par une voie
nouvelle ; trois exemples le montrent de façon ·éclatante :
a) Les commissaires du Plan nous assurent que pou.r
que l'économie française soit saine, équilibrée et accordée
sur le rythme mondial d'ex.pansion, il faut que son tau'Xl die
croissance soit au moins de 4,5 o/o par an ; la question est
aujourd'hui posée, non seulement par les planifi,cateurs,
par les spécialistes de la conjoncture, mais pas le·s chefs
des plus grandes entreprises, de savoir si ce taux ·d'accroissement peut être maintenu et régularisé_ sans direction de l'économie et sans de nouvelles nationalisations.
Le socialisme est ainsi non seulement remis en question,
mais rénové dans ses problèmes et dans ses formules par
l'expansion elle-même.
b) L'expansion français e ne pose pas seulement un problème quantitati<f, ·celu•i ·du taux d'accroissement régulier,
mais un problème ·q ualitatif, celui de l'•oll'ientalic·n d e>s. investissemmzns ; or les besoins ~ ·satisfaire, une fois la
misère la plus massive jugulée, seront de plu•s en plus des
besoins de civilisation et de culture ; si nous ne voulons
pas nous eng-ager dans .une absurde ·c ourse au luxe et aux
« gadgets » et nou.s -laisser fasciner par la recherche du
confort, l'accent doit .être mis, dans les projets de- la nation, sur l'é-q uipement sanitaire (hôpitaux, i!}stitut.s psychiatri·ques, •cure de désintoxication alcoolique, etc.), sm·
la transformation du régime pénitentiaire, sur l'équipement culturel (établissements scolaires, bien entendu, mais
ausSti bibliothèques populaires de ·quartier, clubs .-de jeunesse, -c entres de culture, etc.), .s ur le soin des vieillards
(maisons de retraite, centres de rencontre et de culture),
sur l'urbanisme et l'humanisation de nos villes (circulation, espaces verts, habitations... habitables). Or ces
besoins échappent largement aux calculs . de profit, à la
rentabilité, à l'initiative privée ; ils relèvent d' un budget
national, social et culturel ; ilSt font appel aux motifs proprement culturels du socialisme1 à ce que l'on peut appeler sa motivation communautaire et personnaliste. Ici encore la rénovation du socialisme est suscitée par l'ampleur
même de ces besoins de civilisation ; l'industrialisation
a été, jusqu',à ce joar, barbare et inhumaine ; l'intérêt
privé est incapable de la redresser et de la corriger dans
un sens civilisé et humain.
701
LA CRISE DU SOCIALISME
c) Une troisième tâche nationalè nous attend : elle
nous ramène du côté des problèmes de l'économie humaine dans son rapport au sous-développement ; c'est
celle qui découle de nos responsabilités dans la CommunaU'lé {raJiçaise ; notre façon immédiate de travailler à
cette économie mondiale, c'est de procéder nous-mêmes
aux investissements, aux transferts et aux dons que l'économie africaine exige de nous ; le prix de la colonisation,
c'est le succès de la décolonisation ; et le succès de la
décolonisation, c'est de travailler à la libération écc•IWmique des Etats africains, sans laquelle la libération,
purement politique, restera vaine. Or, cette tâche est directement la nôtre, ici, en France, Elle suppose .une orientation autoritaire des investissements, une ponction sur le
revenu national et par conséquent une direction socialiste de l'économie. De cette troisième manière le socialisme est sollicité de survivre, de s'adapte!~ et de prendre
la tête des nouvelles entreprises nationales.
C'est seulement lorsque le socialisme aura fait
l'auto-critique de sa phraséologie, pensé xxe siècle et
non plus XIXe siècle, pris en considération et en
charge les problèmes de l'économie humaine à
l'échelle planétaire, et ceux que pose l'expansion à l'échelle
française, européenne et africaine, que l'on pourra légitimement se demander ce qui reste valable des idéologies
hérité.e1s du s<iècle• pa;;:sé. Le problème, me semble-t-il, se
pose dans les termes suivants : le socialisme du x1xe siècle
est parti des problèmes posés par le travail, par l'aliénation du travail humain, séparé de façon violente du produit
économique par la prcp\:"iéfé, privée des moyens de ·p roduction ; l'économie -du xx" siècle a déplacé le centre de
gravité : la .q uestion principale est celle de I'e;vp,aJnsic·n
économique ; mais cette .q uestion ramène au sodalisme
d'une triple manière : par la planification requise par
l'expansion elle-même, si celle-ci doit être régulière et non
anarchique, - par la mondialisation des besoins à satisfaire - par l'appel des besoins. de civilisation et de culture.
De quelle nature est ce retour au sociali sme ? Ce n'est
pas seulement l'appel 'à des techniques socialistes, mai'i
J'.appel à des m otivations socia'lisfe~ç;., Comment inlél'esser·a-
4)
1
2
702
PAUL RIOŒUR
t-on le peuple à un programme d'expansion au taux de
4,5 o/o ? comment l'intéresser'a-f-on tà un programme d'économie humaine et planétaire ? comment l'intéressûa-t-on
à un programme axé sur les besoins de civilisation et de
culture ? Les techniques ne suffisent pas, si une rénovation
de l'idéologie ne soutient pas ces programmes. Une motivation communautaire, humaniste, personnaliste est ce
qui manquera cruellement à la tec'hnocratie occidentale
et lui fera manquer ses buts, si la rénovation du socialisme ne va pas de pair avec le développ ement de cette
technocratie.
Or, comment l' idéol ogie socialiste renaîtrait-elle, si elle
ne comporte pa s un grain de folie , un grain d'utopie ?
Les hommes ne. lutteront pas pour un taux d'accroissement, pour un chiffre, mais pour une Idée. Or si le problème juridique de la propriété n'est plus aussi central
que le croyaient les doctrinaires du siècle passé, celui du
pouvoir économique, qui a pris sa place, pose des problèmes analogues. L'utopie qui me paraît seule capable d'animer un programme et de motiver :un projet te chnocr·atique, c'est -finalement l'utopie, vieille et jeune, de l a
gestion de l'économie par les travailleurs ; voilà l'utopie
qui seule peut riposter aux mirages de l'homm e de la
-c onsommation. Voilà l'utopie qui peut répondre à l'absence de but et à l'aliénation nouvelle de l'homme satisfait
et insatisfait dans l'èconomie de consommation.
,:\~fais, en retour, l'utopiste doit être de son siècle, aimer
son temps et ses problèmes, prendre au sérieux la réalité,
parler un langage· pur.
Paul R1cœun.
La revue Christianisme social publie dans son numéro 12
de décembre 1959 un texte intitulé « La crise du
socialisme ». Comme tous les écrits de circonstance, il
porte la marque d’un « événement », ici la défaite des
Travaillistes aux élections, attestant la sensibilité politique
de Ricœur à l’égard des questionnements de son temps.
En outre, il témoigne doublement de l’engagement
intellectuel de son auteur tant dans la vie de l’Église que
dans celle, inséparable, de la société. Approche
congruente avec le projet de la revue visant à réfléchir,
entre autres, aux difficultés nées de la Révolution
industrielle.
La crise du socialisme
IIA116, in Christianisme social 67/12 (1959)
décembre, 695-702.
© Fonds Ricœur
Ici, comme dans le recueil Histoire et vérité, Ricœur fait
montre d’une « pédagogie politique » marquée par
l’influence du personnalisme d’Emmanuel Mounier. Un
souci éthico-politique se dégage du texte : l’homme de la
civilisation occidentale est-il encore capable de socialisme
dès lors que la société industrielle a engendré un homme
nouveau, l’homme de la société de consommation, pour
qui la satisfaction des désirs est à la fois le moyen et la fin
de son existence ? À cet égard, ce texte participe de la
« critique de la civilisation » menée par Ricœur dans les
années 50-60. Il convient dès lors de remarquer que cette
analyse exprime combien, récusant l’opposition marxienne
de la 11
e
Thèse sur Feuerbach, le philosophe s’évertue à
unifier dans sa pensée à la fois la théorie et la praxis.
Plus largement, ce texte s’inscrit dans la philosophie
politique de l’auteur dont l’acte inaugural est « Le
paradoxe politique » publié en 1957 dans la revue Esprit.
Mais ici, la question du pouvoir prend pour axe la
possibilité même pour le socialisme d’accéder aux
responsabilités sans opérer de changement dans son
langage, sans inscription de son idéologie dans les réalités
économiques du XX
e
siècle, sans rénovation de l’idéologie
par « un grain d’utopie ».
On liera ce texte avec un autre de la même année, « Du
marxisme au communisme contemporain », dans la
mesure où l’un et l’autre aident à élaborer et à saisir la
relation de Ricœur avec les grands mouvements et idées
politiques de son temps.
L’originalité de l’article est triple. Ricœur y manifeste
l’ouverture explicite de son œuvre à une dimension
politique, à la fois théorique et pratique. Il propose une
vigoureuse interprétation des effets anthropologique,
éthique et politique de la société de consommation. Il
exprime une sensibilité continuée à l’égard des problèmes
économiques.
(A. Dumont, pour le Fonds Ricœur).
Résumé : « La crise du socialisme » est un écrit de
circonstance portant la marque d’un « événement »
particulier, la défaite des Travaillistes aux élections,
attestant la sensibilité politique de Ricœur à l’égard des
questionnements de son temps. Il porte sur la possibilité
pour le socialisme d’accéder aux responsabilités sans
opérer de changement dans son langage, sans inscription
de son idéologie dans les réalités économiques du XX
e
siècle, sans rénovation de l’idéologie par « un grain
d’utopie ».
Mots-clés : socialisme, société de consommation,
aliénation, idéologie, travail, utopie.
Rubrique : Essais philosophiques, éthiques et politiques
(1948-2005).
~
Paul Ricœur
LA CRIS
.
E DU SOCIALISME
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696
PAUL
RICŒUR
autre,
plus
grave
:
l'expansion
de
la société industrielle
n'est-elle pas de telle nature qu'elle
est en
train de rendre
de plus
en
plus improbable le
succès
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socialisme
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ensuite ce
qui me
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devoir
être
la
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riposte
de la
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dans les
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années
à
venir.
I
J
E
pense qu
'
il faut
aller
tout
de suite au .fond
de nos
craintes ;
par delà le
s
combinaisons électorales,
par
delà
l'ayenture des
(
(
machines
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politiques
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ici le
«
travaillisme
>
>,
là la
«
Social-Démocratie
>
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,
chez
nous
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vieille S. F.
I.
O. et
les nouvelles
gauches -
ce
qui
fait question,
c'est
le ty
,
pe
de
société
humaine
.
qui
est en
train de prendre figure
-soùs
l'influence de l'industrialisa-
tion
avancée. Or cette société est, par
bien des
.
traits,
anti-politique,
anti
-
communautaire,
anti-révolutionnaire.
Cette société,
on
l'a décrite comme
so-ciété
de
cc
·
niS
'
omma-
tion;
et c"est
juste
; car
la
grande affaire, ce
n'est pas
pour
elle
la relation
de
l'homme
à son
travail
et au pro-
duit
de
son
travail
,
c'est
la
relation à
la
chose à consom-
mer,
à consumer,
·
c'est-à-dire
à d
lé
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l
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par
lŒ
jouissil1nce.
L
'
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consommation s
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caractérise
·
à
la
.fois.
par
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satisfaction croissante et
par un
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s
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·
crois-
sante. Une satis,faction croissante, en ce sens
que non
·
s
eulement
les groupes le.s mieux .favorisés, mais une frac-
tion
importante
de l'ancienne
classe 0uvrière,
comptent
sur
l'expansion de la
société
industrielle, telle qu'elle
a
pris
forme
sous
l'impulsion du
capitalisme
occidental,
pour augmeqter
indéfiniment la
satis
,
faction privée (in-
dividu
et groupe
familial)
; c'est à
l'expansion
de
cette
société
que l'homme de la consommation demande la ré-
pense
à ses
besoins
croissants ; c'est d'elle
qu'il
attend
la
satisfaction
majeure.
:Mais en
même temps
·
cet
homme
de
la
consommation est
de
plus en
plus insatisfait
:
·
car
la
société
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cesse
de
sus
·
citer
de
·
nouveaux
besoins,
de nouveaux désirs,
·
qui
sont
toujours
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delà
de
la
satisfaction acquise. L'homme de
la
consommation vit
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ses
besoins
et
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,
besoins.
Il
désire
toujours
·
plus.
Or
cette insatisfaction croissante,
LA ClUSE
DU
SOCIALISME
69
·
7
loin de l
'
opposer
à
la
société
industrielle, le colle à cette
société
et
l'en rend
entièrement
dépendant : la publicité
enchaîne ses
désirs
et
le crédit enchaîne sa solvabilité.
L'homme de la
société
de
consommation
adhère
sans
dis-
tance
·
à
son
monde de productivité croissante
et
de jouis-
sance croissante ; il est parfaitement
intégré
à
des modèles
communs de loisir, de distraction, de jouissance. Il est
d'autant moins révolté qu'il
est
plus intégré. Et il est d'au-
tant plus intégré qu'i
·
l est possédé par ses possessions.
Un affreux slo
·
gan
que
cite
J.-ôf.
Domenach dans
son
rapport
au Congrè
·
s
Espll'lt
de cet automne, est
affiché par
une firme de la
vertueuse et
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fédé-
rale : hast du "\-vas, dann bist du was
!
Si tu as quelque
chose, tu
es
'
qu
·
elque
chose
!
(Il
est vrai
que le slo
.
gan
ne
dit pas : ... tu
es
quelqu'un, mais : ... tu
es
quelque
chos").
Et
J.-~1.
Domenach
ajoute
: n'est-ce pas le triomphe
de
la propriété la plus
anti-progressiste du
XIXe
siècle, celle
de
Nietzsche vaticinant
:
«
Le
peuple
créera
une
classe
moyenne qui fera
oublier
le
socialisme comme
une mala-
die qu'on
a
surmontée
?
»
N'est-ce pas
là notre
crainte
de fond
?
qu'une
société
de consommation,
axée
sur une civilisation de type
«
dasse-moyenne
>>,
détruise
simultanément les
valeurs
aristocratiques
et
celles
·
qui
étaient
nées de la colère des
pauvres
et
de leur
appétit
de justice,
de
dignit
é,
de
recon-
naissance
?
Notre crainte
n'est-elle pas que
cette
class
e
moyenne
·
continue,
a
ux
dépens
du socialisme
ct de son
espoir
concernant
la réconciliation
entre
l'homm
e
et
le
fruit de
son
travail, l'action destructive que la civili
sa
tion
bourgeoise
avait exercée à
l'égard des
valeurs
a
ristocra-
ti
·
qnes de noblesse, d'honneur, de
fidélité ?
Car
c'est une nouvelle
espèce
d
'a
liénatfo
,
n, dont la
cri-
tique
est
déjà
·
commencée
par les meilleurs
sociologues
américains,
qui prend
corps sous
nos
yeux.
'
Cet
homme
de la
·
consommation,
qui
colle à
la
civilisation
industriell
8
en expansion, est en
m
ê
me temps un
·
homme
séparé
d
e
lui-même
et
de
son
prochain,
c'est-à-dire
aliéné. Plusieurs
ps
yc
hanalystes
américains ont souligné
le progrès d'une
névrose diffuse,
à
b
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non plus
de conflits et
de refou-
lement, mais
de
perte du
contact affe
·
ctif, d'éloignement
et
d'étran
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;
les relations
humaines deviennent
faciles
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et communards, et
trahit une incroyable paresse
mentale ;
tant que nous n'aurons pas procédé
à cette
auto-critique
de la
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m1lisation
reçue
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siècle,
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contribue
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de notre temps
pat
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notre
verba
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sme et
notre impui
s
sance
à
décrire
et à analyser
le monde réel
d'aujourd'hui.
2)
Après cette
réforme
personnelle,
notre tâche
est
d'embray
·
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•
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sur
les problèmes
effeclij's de
la société
dll
xx
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siècle.
François Perroux nous donne ici un
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: le problèmee majeur de la
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ment
de la
coexistence pacifique.
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capables
'
d'interpréter
co
rrectement la
dynamique
des deux
syst
è
me
s
,
par delà
la
phras
·
éologie
de
chacun
d'entre
eux, c'est-à-dire
par
delà
la
propagande de chacun et par
delà
l'interpréta-
tion
polémi
~
qu
e
qu'il donne d
e
l'autre. La
coexistence
pacifi.que
,
c'est bien autre chose
qu
'
un armistice mili-
taire
ou
qu
'
un
programme
d'échanges
commerciaux et
culturel
s
, c
'
est
le problème d'une économie du
g
enre
hu-
main. Pour
la
première
fois nous
sommes en état
de
con
-
c
evoir
une
économie
planétaire, dont le problème crucial
est con
s
titué
par
le
sous
-d
éveloppement.
Si donc
la
première
tâche du
·
socialism
e
est
de purger
sa
phraséologie,
sa seconde
tâche
est
de
changer
d'échelle
et d'attaquer
le problème
posé aux 6conomies
ric:hes par
le
sous
-d
éveloppement
dans le monde
afin
d'amorcer la
réalisation
d'une
économie
planétaire ; les
transferts
et
les
dons
que requiert
cette économie
humaine,
permett~nt
de
reposer
en
termes rajeunis
tou~S
les problèmes classi-
ques de la direction
et
de la planification de l'économie
·
et
de la lutte
contre
la résistance des intérêts privés.
3 )
:Mais
le
souci
d'une
économie
humaine,
sous
la
forme réduite
·
qu
,
'on
lui donne d'ordinaire quand
on
parle
<<
d'aide
aux
pays sous-développés
»,
peut
ètre
un nouvel
alibi
pour l'idéologie de
gauche
.
En
France
,
la tâche positive du.
socialisme est
de
Tl
ej'laire
tout~
ses
wwlyses
à
partir des
plr'oblèmes
réels
po
1
sés
•
p.a.r
l'e.x:p)(l
'
nsion de l'éc
·
oncmie
naticNmle.
Loin
que ces
problè-
700
PAUL
RICŒUR
mes
éloignant du socialisme,
il
s'y
ramènent par une
voie
nouvelle
;
trois
exemples
le montrent
de
façon
·
éclatante :
a)
Les commissaires
du Plan nous
assurent
que pou.r
que l'économie française
soit saine, équilibrée et accordée
sur
le rythme mondial d'ex
.
pansion, il
faut que son
tau'Xl die
croissance
soit au
moins de 4,5
o/o
par an ; la question
est
aujourd'hui
posée, non
seulement
par les
planifi
,
cateurs,
par
les
spécialistes de
la
conjoncture,
mais
pas
le
·
s
chefs
des plus
grandes entreprises,
de
savoir si ce
taux
·
d'ac-
croissement peut être
maintenu
et
régularisé
_
sans
direc-
tion de l'économie
et sans de
nouvelles nationalisations.
Le
socialisme est ainsi
non
seulement
remis
en
question,
mais rénové dans ses
problèmes
et dans ses formules par
l'expansion
elle-m
ê
me.
b)
L'expansion français
e
ne
pose pas seulement
un pro-
blème quantitati<f,
·
celu
•
i
·
du taux
d'accroissement régulier,
mais un
problème
·
qualitatif, celui
de
l'
•
o
ll'
ientalic
·
n
d
e>s.
in-
vestissemmzns ;
or
les besoins
~
·
s
atisf
a
ire
,
une fois la
misère la
plus
massive jugulée,
seront de plu
•
s en plus des
besoins de civilisation et de culture
;
s
i
nous ne
voulons
pas nous
eng-ager dans
.
une
absurde
·
course au
luxe
e
t
aux
«
gadget
s
»
et
nou.s
-
laisser fasciner
par
la
recherche
du
confort,
l'accent doit
.être mis, dans les projets
de- la na-
tion,
sur
l'é
-
quipement sanitaire (hôpitaux, i!}stitut.s
psy-
chiatri
·
ques,
•
cure de désintoxication alcoolique, etc.), sm·
la transformation du régime pénitentiaire,
sur
l'équipe-
ment culturel (établissements scolaires, bien entendu, mais
ausSti
bibliothèques populaires de
·
quartier, clubs
.
-de
jeu-
nesse,
-
centres de
culture, etc.),
.
sur
le
soin des vieillards
(maisons de retraite,
centres de
rencontre
et
de
culture),
sur
l'urbanisme
et
l'humanisation de nos
villes (circula-
tion,
espac
e
s verts, habitations...
habitables).
Or ces
besoins
échappent
largement
aux calculs
.
de
profit,
à
la
rentabilité,
à
l'initiative privée
;
ils
relèvent d
'
un
budget
national,
social et culturel ;
ilSt
font appel aux motifs
pro-
prement culturels du socialisme
1
à
ce que l'on peut
appe-
ler
sa motivation communautaire et
personnaliste. Ici
en-
core
la rénovation
du socialisme est suscitée
par l'ampleur
même
de
ces besoins
de
civilisation
; l
'
industrialisation
a été,
jusqu'
,
à ce
joar, barbare
et
inhumaine
; l'intérêt
privé
est
incapable
de
la
redresser et de
la
corri
g
er dans
un
sens civilisé et
humain.
LA CRISE DU SOCIALISME
701
c)
Une troisième tâche nationalè nous
attend
:
elle
nous ramène du côté des problèmes de l'économie hu-
maine dans
son
rapport
au
sous-développement ;
c'est
celle qui découle de
nos responsabilités dans la Commu-
naU'lé {raJiçaise ;
notre façon immédiate de travailler
à
cette économie
mondiale,
c'est
de procéder nous-mêmes
aux investissements,
aux
transferts
et aux
dons que l'éco-
nomie
africaine exige
de nous
;
le prix de la
colonisation,
c'est le
succès
de la décolonisation ;
et
le
succès de
la
décolonisation,
c'est
de travailler
à
la libération
écc
•
IW-
mique
des Etats africains,
sans
laquelle la libération,
purement politique, restera
vaine.
Or, cette
tâche est
direc-
tement la nôtre, ici,
en
France,
Elle suppose
.une
orienta-
tion
autoritaire
des investissements, une ponction
sur
le
revenu national
et
par
conséquent
une direction
socia-
liste de l'économie. De
cette
troisième manière le
socia-
lisme
est
sollicité de
survivre, de
s'adapte!~
et
d
e
prendre
la tête
des
nouvelles
entreprises
nationales.
4)
1
C'est
seulement lorsque le
socialisme aura
fait
l'auto-critique de sa phraséologie, pensé
xx
e
siècle et
non plus
XIX
e
siècle,
pris
en considération et en
charge les problèmes de l'économie humaine
à
l'échelle
planétaire, et ceux
que pose l'expansion
à
l'échelle
française,
européenne et africaine,
que l'on pourra légi-
timement
se
demander
ce
qui reste valable des idéologies
hérit
é.e
1
s
du
s<iècle
•
pa;;:sé.
Le problème,
me
semble-t-il, se
pose dans les termes
suivants
: le
socia
lisme
du x1xe siècle
est
parti des problèmes posé
s
par le travail,
par
l'aliéna-
tion du travail humain,
séparé
de façon
violente
du produit
économique
par la
prcp
\
:
"
iéfé,
privée des
moyens de
·
pro-
duction ; l'économie
-du xx" siècle a
déplacé le
centre de
gravité
: la
.
question
principale est celle
de
I'e
;vp,aJns
ic
·
n
économique ; mais cette
.
question ramène
au sodalisme
d'une
triple manière : par la planification requise par
l'expansion
elle-même, si celle-ci
doit
être régulière et
non
anarchique,
-
par
la mondialisation
des
besoins
à
satis-
faire
-
par
l'appel
des
besoins
.
de civilisation et
de
cul-
ture.
De
quelle nature
est ce retour au sociali
s
m
e
?
Ce
n'est
pas
seulement
l'appel
'
à
des
techniques
socialistes,
mai'i
J'.appel
à
des m
o
tivations
s
ocia
'
lisfe
~ç;
.
,
Comment
inlél'esser
·
a-
2
702
PAUL RIOŒUR
t-on
le peuple
à
un programme d'expansion
au
taux de
4,5
o/o
? comment
l
'
intéresser
'
a-f-on
tà
un programme d'éco-
nomie humaine
et
planétaire
?
comment
l'intéressûa-t-on
à
un programme
axé
sur les besoins de civilisation
et
de
culture ? Les
techniques ne
suffisent pas,
s
i une
rénovation
de
l'idéologie ne
soutient
pas
ces programmes.
U
ne mo-
tivation
co
mmunautair
e,
humaniste
,
personnaliste est
ce
qui manquera
cruellement
à
la tec'hnocratie occidentale
e
t lui fera manquer
ses
buts,
s
i la rénovation
du socia-
lisme ne
va
pas de
pair avec
le développ
e
ment
de
ce
tte
technocratie.
Or,
co
mment l
'
idéol
og
ie
soc
ialiste
renaîtrait-elle, si elle
ne
com
porte pa
s
un
grain de
folie
,
un
grain
d'utopie
?
Les
hommes ne
.
lutteront pas pour un taux d'accroisse-
ment, pour un
chiffre,
mais pour une Idée. Or
si
le pro-
blème juridique
de
la
propriété
n'e
s
t
plus aussi central
que
le
croyaient
l
es
doctrinaires
du
siècle passé, celui
du
pouvoir économique,
qui
a pris sa place,
po
se
des problè-
mes
analogues.
L'utopie qui me paraît
seule capable
d'ani-
mer
un programme
et
de
motiver
:
un
projet
te
c
hnocr
·
a-
tique,
c'est
-
finalement l'utopie,
vieille et
jeune, de l
a
gestion
de l'économie par les travailleurs
; voilà
l'utopie
qui
seule
peut riposter aux mirages de l'homm
e
de
la
-
consommation. Voilà
l'utopie qui peut répondre
à
l'ab-
sence
de but et
à
l'aliénation nouvelle de l'homme
satisfait
et
insati
s
fait
dans
l'è
c
onomie de
consommation.
,
:\~fais,
en
retour
,
l'utopiste
doit être de son siècle, aimer
son
temps
et ses
problèmes, prendr
e
au
sé
rieux la réalité,
parler un
langage
·
pur.
Paul
R1cœun.
IIA116 La crise du socialisme001
IIA116 La crise du socialisme002
IIA116 La crise du socialisme003
IIA116 La crise du socialisme004
IIA116 La crise du socialisme005
IIA116 La crise du socialisme006
IIA116 La crise du socialisme007
IIA116 La crise du socialisme008
IIA116 La crise du socialisme009
Ricoeur, Paul (1913-2005), “La crise du socialisme”, 1959, IIA116. Consulté le 8 juin 2025, https://bibnum.explore.psl.eu/s/psl/ark:/18469/29381
À propos
"La crise du socialisme" est un écrit de circonstance portant la marque d’un "événement" particulier, la défaite des Travaillistes aux élections, attestant la sensibilité politique de Ricœur à l’égard des questionnements de son temps. Il porte sur la possibilité pour le socialisme d’accéder aux responsabilités sans opérer de changement dans son langage, sans inscription de son idéologie dans les réalités économiques du XXe siècle, sans rénovation de l’idéologie par "un grain d’utopie".