Ontologie
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Ontologie
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"Ontologie" est un article de synthèse pour l’"Encyclopædia Universalis" revenant sur ce domaine central de la réflexion et du questionnement philosophique. Effectuant tout en parcours en histoire de la philosophie, mais aussi relativement à différents modes de problématisation, Ricœur aborde l’ontologie à partir des héritages grecs, en tant qu’enjeu commun à la philosophie et aux sciences de la nature ou de la pensée scientifique, en tant qu’interne au langage et au discours, et du point de vue des investigations phénoménologiques.
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Date Created
1972
Textes en liaison
Essais philosophiques, éthiques et politiques (1948-2005)
La pensée engagée
Le philosophe foudroyé
La philosophie et le politique devant la question de la liberté
Hegel aujourd'hui
Les cultures et le temps
Pour une éthique du compromis : interview de Paul Ricœur
Enjeux philosophiques de l'intervention
L’economia del dono : amore e giustizia
Conclusions [aux exposés]
Sur la tolérance
Sur la phénoménologie. II, Le "problème de l’âme"
Lettre de P. Ricœur lue par J. Hersch lors de la discussion de sa conférence intitulée "Temps tragique et liberté"
Aliénation
Liberté
Le philosophe
Heidegger et la question de Dieu
Avant la loi morale, l’éthique
Interview avec Paul Ricœur, le 8 juillet 1991
[L’argent] D’un soupçon à l’autre
L’éthique, le politique, l’écologie : entretien avec Paul Ricœur
Le dialogue des cultures, la confrontation des héritages culturels
Le "questionnement à rebours" (Die Rückfrage) et la réduction des idéalités dans la "Krisis" de Husserl et "L’idéologie allemande" de Marx
La pensée grecque
Lénine et la philosophie
Table ronde : échanges de Jean-Gérard Rossi, Mireille Delbraccio, Jacques Garelli, Olivier Mongin avec Paul Ricœur
La promesse d’avant la promesse
La reconnaissance, entre don et réciprocité
Les trois tâches de la philosophie
Le socialisme aujourd’hui
Croyance
Le vrai peut-il être dit pluriel ?
Droit de cités
Cultures, du deuil à la traduction
Synthèse panoramique (de ma pensée)
Propositions de compromis pour l’Allemagne
Pour la solution du Problème allemand : la Conférence de Berlin
Le jugement et la méthode réflexive selon Jules Lagneau
Masse et personne
La question coloniale
Philosophie et langage
Renouveau de l'ontologie
Phénoménologie existentielle
Le lieu de la dialectique
Individu et identité personnelle
La condition d'étranger
Du marxisme au communisme contemporain
Place de l'œuvre d'art dans notre culture
Responsable : devant qui ?
La pensée engagée
Le philosophe foudroyé
La philosophie et le politique devant la question de la liberté
Hegel aujourd'hui
Les cultures et le temps
Pour une éthique du compromis : interview de Paul Ricœur
Enjeux philosophiques de l'intervention
L’economia del dono : amore e giustizia
Conclusions [aux exposés]
Sur la tolérance
Sur la phénoménologie. II, Le "problème de l’âme"
Lettre de P. Ricœur lue par J. Hersch lors de la discussion de sa conférence intitulée "Temps tragique et liberté"
Aliénation
Liberté
Le philosophe
Heidegger et la question de Dieu
Avant la loi morale, l’éthique
Interview avec Paul Ricœur, le 8 juillet 1991
[L’argent] D’un soupçon à l’autre
L’éthique, le politique, l’écologie : entretien avec Paul Ricœur
Le dialogue des cultures, la confrontation des héritages culturels
Le "questionnement à rebours" (Die Rückfrage) et la réduction des idéalités dans la "Krisis" de Husserl et "L’idéologie allemande" de Marx
La pensée grecque
Lénine et la philosophie
Table ronde : échanges de Jean-Gérard Rossi, Mireille Delbraccio, Jacques Garelli, Olivier Mongin avec Paul Ricœur
La promesse d’avant la promesse
La reconnaissance, entre don et réciprocité
Les trois tâches de la philosophie
Le socialisme aujourd’hui
Croyance
Le vrai peut-il être dit pluriel ?
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Cultures, du deuil à la traduction
Synthèse panoramique (de ma pensée)
Propositions de compromis pour l’Allemagne
Pour la solution du Problème allemand : la Conférence de Berlin
Le jugement et la méthode réflexive selon Jules Lagneau
Masse et personne
La question coloniale
Philosophie et langage
Renouveau de l'ontologie
Phénoménologie existentielle
Le lieu de la dialectique
Individu et identité personnelle
La condition d'étranger
Du marxisme au communisme contemporain
Place de l'œuvre d'art dans notre culture
Responsable : devant qui ?
Language
fre
Type
Texte
Description physique
pp. 94-102
Sujets
Être
Histoire de la philosophie
Idéalisme
Langage
Monde de la vie
Observable
Ontologie
Phénoménologie
Réalisme
Sciences de la nature
Histoire de la philosophie
Idéalisme
Langage
Monde de la vie
Observable
Ontologie
Phénoménologie
Réalisme
Sciences de la nature
Vedettes Rameau
Source
IIA285
Identifiant
ark:/18469/2z059
Détenteur des droits
Fonds Ricœur
Numérisation Fonds Ricœur
Numérisation Fonds Ricœur
content
Note éditoriale « Ontologie » est un article rédigé en 1972 pour l’ Encyclopædia Universalis . Ricœur revient sur ce domaine central de la réflexion et du questionnement philosophique à travers une analyse des rapports entre « métaphysique et ontologie » (94-96), « science et ontologie » (96-98), « langage et ontologie » (98-100), et « phénoménologie et ontologie » (100-101). Certaines recherches du philosophe sont reprises de manière condensée, en histoire de la philosophie, dans le cadre d’une réflexion épistémologique, relativement à une investigation sur le langage, et, enfin, dans un renvoi aux recherches phénoménologiques du XX e siècle. D’une grande densité, ce texte témoigne de l’ambition qu’a Ricœur d’aborder l’ontologie au-delà les séparations disciplinaires (philosophie / science) ou philosophiques (analytiques / continentaux). La dénomination du domaine de l’ontologie apparaît à travers le questionnement sur l’être chez Platon et Aristote. Chez ce dernier, la métaphysique – par référence aux traités placés après les traités sur la nature – se superpose à l’ontologie. Celle-ci est située ensuite au- devant d’ontologies régionales ou de métaphysiques spéciales. « On ne doit pas, néanmoins, tenir pour accordée cette identification entre ontologie et métaphysique » (95), précise Ricœur qui revient sur « l’Être de Parménide » (95) et rattache Platon à cet héritage. Le platonisme rassemble ontologie et métaphysique dans une « transcendance » unique, correspondant au monde des Idées. Un « pluralisme ontologique » (95) existe qui renvoie à la nécessité de donner au « nom », et au « langage » à travers les noms, le « poids religieu Ontologie IIA285, in Encyclopaedia Universalis. T. XII . Paris : Encyclopaedia Universalis France, 1972, 94-102 © Fonds Ricœur © Comité éditorial du Fonds Ricœur ontologique d’une idée » (95) afin de sortir de l’« arbitraire » (95) : il s’agit d’« ancrer le discours dans l’être » (95) afin de s’opposer au sophiste. La notion de séparation induite par les Idées constitue un « geste ontologique et métaphysique à la fois » (95). On doit considérer aussi, notamment dans Le Parménide , un Platon critique du platonisme. Une « ontologie dialectique » apparaît, puis une « ontologie transcendée » reliant l’idée du Bien non pas à ce qui est, mais à un « principe de l’être » (95). Avec Aristote, une « ontologie du concret (chose, être vivant, personne) remplace une ontologie des entités intelligibles » (êtres mathématiques et êtres éthiques) » (96). Le Stagirite formule la recherche sur l’« être en tant qu’être » ( Métaphysique , livre IV) comme une science ne pouvant être « fondée » (96), car ne pouvant être dérivée de quelque chose qui la précéderait. Par ailleurs, l’être « se dit de multiples façons » (96) : selon les catégories, selon l’être en acte ou en puissance, selon l’être vrai ou faux, et selon l’être nécessaire ou contingent. Chez Aristote, « l’ontologie est à la fois l’art des distinctions et celui de centrer sur une chose unique tout le discours philosophique ; ce centre est la substance » (96). Ainsi, bien que « [luttant] contre le dualisme platonicien » des idées et des choses sensibles, l’ontologie aristotélicienne « est néanmoins métaphysique de deux manières » (96). D’une part, elle « tend essentiellement à faire prévaloir au cœur même du réel le déterminé, l’intelligible, l’immuable » (96). D’autre part, « la philosophie se fait théologie » en s’appuyant sur le principe selon lequel « […] le sens de l’être se reconnaît aux êtres qui sont le plus substance […] » (96). Les sciences galiléenne et cartésienne s’opposeront à ce premier sens métaphysique et Kant au deuxième second sens. La science se rapporte aussi à la question de l’ontologie. Ricœur se réfère à une réflexion épistémologique engagée depuis le cadre des sciences de la nature ; elle déborde de « l’activité théorique et pratique du savant » tout en conduisant à se poser la « question du référent du discours scientifique » et à « demander ce qui est réel » (97). On entre alors dans une réflexion complexe sur l’articulation entre le « phénoménalisme » de la science, son « opérationalisme » permettant de relier les « observables » au « non-observables », et le « langage » (97) transcrivant l’ensemble. La « sémantique » et l’« épistémologie » constituent selon Ricœur les deux biais par lesquels une philosophie de la science vise à sortir de l’« empirisme logique » (97) en tant que modèle considéré comme acquis par les scientifiques. Un « réalisme critique » (97) devient alors un modèle de remplacement ; on est renvoyé dans tous les cas au lien entre épistémologie et interprétation. Cette évolution s’identifie avec le domaine de la physique quantique et la philosophie qu’en a retirée l’école de Copenhague. Ainsi, écrit Ricœur, « l’observateur et la chose observée sont inséparables du niveau de réalité où la théorie opère » (97). Le réalisme critique s’attache toutefois à maintenir les visées de l’objectivisme en faisant de ces développements herméneutiques un des aspects de la réflexion épistémologique sur la physique. Ricœur étend ensuite la question de l’ontologie au « discours en tant que tel » et relatif au « langage lui-même » (98). C’est le problème de la « référence » (98) qui doit être considéré. Comme l’a montré Frege, on est toujours mû par la nécessité d’aller du sens à la référence, car cette « “impulsion” s’identifie à l’exigence de vérité » (98). Ricœur rapproche la « distinction » frégéenne entre « sens » et « référence » de l’opposition husserlienne entre « visée vide » et « remplissement » à l’œuvre dans le langage (98) : la référence constitue dans les deux cas un moyen pour poser la question de l’être dans le discours. Une « nouvelle problématique ontologique » (98) a été ouverte au sein de la « philosophie du langage » (98). Se plaçant davantage dans une discussion avec Frege, Russell a élaboré « une ontologie entièrement dominée par la logique, la théorie de la connaissance et la philosophie du langage » (98). Sa théorie des descriptions est une théorie globale de la « problématique ontologique déployée par le langage » et, ajoute Ricœur, « des perplexités considérables qui s’y attachent » (99). La philosophie du Wittgenstein à l’époque du Tractatus logico- philosophicus (1921), en lien avec celle de Russell, procède d’une « homologie de structure entre le discours et la réalité » (99). Tout en se concentrant à titre premier sur le langage et la logique, un rapport au sens reste déterminé par une question ontologique sur le « monde » et les faits. Ricœur rappelle l’introduction d’une « théorie de l’emploi » opéré par Strawson, afin de distinguer, contre la théorie russellienne des descriptions, le « sens » d’une « phrase » de son « emploi » (99). La problématique ontologique n’est pas résolue, cependant : on ne peut éviter de considérer le rapport d’« asymétrie », au sein du discours, entre « identifier » et « prédiquer » (99). On est pris entre les difficultés propres de la « fonction logique » de l’identification « mettant l’accent sur le nom » (99), et celles liées à la « force illocutionnaire », dans la philosophie du langage ordinaire d’Austin, considérant la « phrase » (99). Reste la possibilité, notamment avec Strawson dans Individuals (1965), de passer d’une « thèse sur le langage » à une « thèse sur le monde », même si on ne peut déduire du langage lui-même une compréhension de l’« engagement ontologique » (99). Finalement, Ricœur considère qu’un « nouvel accès à l’ontologie est ouvert par la phénoménologie » (100). Cette nécessité est rattachée à ce qui a été énoncé concernant le lien entre le langage et la réalité ; ainsi, « il faut que quelque chose soit pour qu’on puisse parler à son sujet » (100). La phénoménologie de Husserl fait de l’« intentionnalité » et de la « perception » le moyen par lequel un « même » est visé et, par-là, un rapport aux choses et au réel qui précède le langage (100). Mais, précise le philosophe, « il est difficile de faire de la phénoménologie husserlienne une ontologie » (100). Le tournant « idéaliste » de cette phénoménologie découle de la primauté donnée à la « conscience » et du rapport « sujet-objet » (100) ; Ricœur rappelle toutefois que c’est la « limite de la constitution elle-même » qui était ainsi mise au jour, ouvrant la voie à l’élaboration du concept de « monde de la vie » et à une « nouvelle ontologie » (100). On peut dire que la philosophie heideggérienne rompt, de manière radicale, avec cette primauté la conscience ; elle tente aussi de poursuivre la mise en crise husserlienne de la constitution. Si Sein und Zeit procède encore d’une analyse phénoménologique, identifiable à l’« analytique du Dasein » (100), le projet d’une ontologie fondamentale qui s’y déploie renverse l’ordre épistémique entre être et connaissance. Ricœur repère un « même retour à l’ontologie » dans la pensée de Gabriel Marcel, mais à partir de descriptions de caractère beaucoup plus existentiel » (101). Le philosophe insiste même sur la dimension plus humaine ou le nécessaire rapport à la « vie » (101) d’une ontologie marcellienne. Dans ce cadre, la philosophie merleau-pontienne est interprétée comme « [témoignant] de l’infléchissement progressif de la phénoménologie de Husserl dans le sens de l’ontologie heideggérienne, avec l’appoint de thèmes marcelliens, comme celui du corps propre » (101). Si une proximité est envisagée entre le dernier Merleau-Ponty et Heidegger, Ricœur rattache le premier à une « ontologie difficultueuse » (101) induisant des différences notables avec le second. À l’époque du présent article, le philosophe situe dans les analyses complexes du dernier Heidegger la source des réflexions sur un « au-delà de l’ontologie » mis en œuvre par Levinas, Henry ou Derrida. (Samuel Lelièvre, pour le Fonds Ricœur.) Résumé : « Ontologie » est un article de synthèse pour l’ Encyclopædia Universalis revenant sur ce domaine central de la réflexion et du questionnement philosophique. Effectuant tout en parcours en histoire de la philosophie, mais aussi relativement à différents modes de problématisation, Ricœur aborde l’ontologie à partir des héritages grecs, en tant qu’enjeu commun à la philosophie et aux sciences de la nature ou de la pensée scientifique, en tant qu’interne au langage et au discours, et du point de vue des investigations phénoménologiques. Mots-clés : être ; histoire de la philosophie ; idéalisme ; langage ; monde de la vie ; observable ; ontologie ; phénoménologie ; réalisme ; sciences de la nature. Rubrique : Essais philosophiques, éthiques et politiques (1948-2005). ONTOLOGIE évitable que si des parties de l'individu, des bourgeons - constituant plutôt une colonie d'individus - peuvent, à la fois, ne jamais cesser de croître (sauf en période éventuelle de dormance lirmtée) et ne jamais devenir floraux. C'est en cessant de se diviser en cellules nouvelles, en cessant de croître, qu'un organe ou une plante sont voués à la mort. Les tissus nerveux des animaux, dont la mérésis est totalement arrêtée, peuvent subsister longtemps dans la gaine de né- vroglie qui les entoure; pourtant, ils ne peuvent pas éviter la sénescence finale bien qu'ils soient le support de l'émergence de la conscience puis de l'esprit. Ce qui est indé- finiment vivant (sauf accident), c'est le télome en croissance par mérésis. Il jouit de la pérennité des tissus et de celle d'une structure organisée, mais, dans sa «fuite en avant», il ne peut conserver que la mé- moire génétique de son espèce et une fraction infime, transmise physiologiquement, de la mémoire des conséquences dues . aux cir- constances antérieures. Les individus véri- tables, à croissance limitée, peuvent accu- muler des structures résultant de leur propre histoire, mais, sauf chez l'homme, ils meu- rent en ne laissant que des descendants génétiquement semblables à eux-mêmes, sauf en cas de mutations. Les clones, les lignées, les espèces sont les seules unités vivantes qui peuvent subsister sans être contraintes ni à la sénescence ni à la mort. P.C. Bibliographie D. AGmoN-PRAT, «Néoformation des fleurs in vitro chez Nicotiana Tabacum L. »,in Phy- siol. vég., n• 3, 1965/ L. BEISSMER, «Über Ju- gensform von Pflanzen, speziele Conifer », in Ber. Deutsch. bot. Gesellsch., vol. VI, 1888 / J. BRULFERT, «Etude expérimentale du déve- loppement végétatif et floral chez Anagallis arvensis L. s. sp. Phaenicea Scop. Formation de fleurs prolifères chez cette même espèce», in Rev. gén.. Bot., n• 72, 1965 1 M. CHADE- FAUD & L. EMBERGER, Traité de botanique, t. 1 et II, Paris, 1960 1 P. CHouARD, «Induction réversible de morphoses foliaires opposées et de la mise à fleurs chez deux Scabieuses par le photopériodisme », in C.R. Acad. Sei. Paris, n• 230, 1950; « Réversibilité de l'état reproductif à l'état végétatif sous l'effet du photopériodisme», ibid., n• 231, 1950; «Ré- version végétative de la fleur et néoténie provo- quées expérimentalement, comme moyens physiologiques d'intervention sur la phylo- génie et l'ontogénie des plantes à fleurs », ibid., n• 233, 1951; « Premières Recherches sur la riéoténie expérimentalement provoquée par le ph~topériodisme chez l~s plantes à fleurs », m Bull. Soc. bot., n 98, 1951 ; « Réversibilité de l'état reproductif à l'état végétatif par le photopériodisme et produc- tion expérimentale de fleurs prolifères chez Anagallis arvensis L. », in C.R. Acad. Sei. Paris, n• 245, 1957; « Introduction » et «Originalités du monde végétal», in L'Usine végétale, t. III de La Vie et l'homme. Encyclo- pédie des sciences biologiques, Genève-Paris, 1961 1 P. CHOUARD & D. AGHION-PRAT, « Modalités de la formation de bourgeons floraux sur la culture de segments de tiges de Tabac », in C.R. Acad. Sei. Paris, n• 252, 1961 / P. CHOUARD & J. BRULFERT, « Nou- velles Observations sur la production expé- rimentale de fleurs prolifères chez Anagallis arvensis L. »,in C.R. Acad. Sei. Paris, n• 253, 1961/ K. GoEBEL, «Über die Jugendzustiinde der Pflanzen »,in Flora., vol. LXXII, 1889; Organographie der Pflanzen insbeson.dere der Archegoniaten und Samenpflanzen, 3 vol., 3• éd., Iéna, 1928-1931 1 S. GRUHA & S. C. MAHESHWARI, « ln vitro Production of Embryos from Anthers of Datura », in Nature, n• 204, 1964; « Cell Division and Differentiation of Embryos in the Pollen Grains of Datura in vitro », ibid., n• 212, 1966 1 S. C. MAHESHWARI, An Inrtoduction to the Embryology of Angiosperms, New York-Toronto-Londres, 1950 1 G. MANGE- NOT, « La Graine et le liquide séminal d'Allanblackia parvifiora A. Chev.», in C.R. Acad. Sei. Paris, n• 237, 1953 / E. & E. MAR- CHAL, « Aposporie et sexualité chez les Mous- 94 ses : 1, II et III », in Bull. Acad. roy. Belg., 1907-1909, 1911/ J. P. NITSCH, « Experimen- tal Androgenesis in Nicotiana »,in Phytomor- phology, n• 19, 1969; « Les Plantes sans mère », in La Recherche, n• 2, 1971 / P. OzENDA, « Organisation et reproduction des angiospermes », in H. des Abbayes, M. Chadefaud & al., Botanique, Paris, 1963 1 H. PRAT, « Histophysiological Gradient and Plant Organogenetism », in The bot. Rev., n• 14, 1948; n• 17, 1951 f W. J. RaBBINS, « Gibberellic Acids and the Reversai of Adult Hedera to Juvenile Stades », in Amer. Journ. Bot., n• 44, 1956; « Physiological Aspects of Aging in Plants »; ibid., n• 44, 1957 / W. RuHLAND, Handbuch der Pflanzen- physiologie, vol. XIV, XV, XVI, Berlin, 1961 et 1965 / W. W. SCHWABE, « The Control of Leaf Senescence in Klenia articu- lata by Photoperiod », in Ann. Bot., vol. XXI, 1970 1 E. SrvoRI, « La Degeneraci6n de la papa », in Ciencia e lnvestig., n• 8, 1951 ; « Concepto de ontogenia en plantas supe- riores », ibid., n• 19, 1963 1 R. SouEGES, Em- bryogenèse et classification, 4 fasc., Paris, 1938-1951 1 V. S. TRIPPI, « Studies on Onto- geny and Senility in Plants », in Phyton, vol. III, n• 20, 1963; vol. IV, vol. VII, n• 21, 1964; vol. VIII, n• 22, 1965 1 V. S. TRIPPI & J. BRULFERT, « Phénomènes de sénescence chez Anagallis arvensis. Effet de l'âge des feuilles, de l'âge des plantes et influence de la photopériode sur la composi- tion isozyrnique des déhydrogénases », in C.R. Acad. Sei. Paris, n• 272, 1971 / V. S. TRIPPI & R. MoNT ALDI, «The Aging of Sugarcane Clones», in Phyton, n• 14, 1960 1 W. ZIMMERMANN, Die Telomtheorie, Stutt- gart, 1965. Corrélats ALGUES, ALTERNANCE DE PHASES, ANGIO- SPERMES, AUXINES, BRYOPHYTES, CHAMPIGNONS, CROISSANCE BIOLOGIQUE, DORMANCE, FLEUR, FRUITS, GERMINATION, GRAINE, GYMNO- SPERMES, HISTIOTYPIQUES ET ORGANOTYPIQUES (CULTURES), MÉRISTÈMES, MORPHOGENÈSE VÉ- GÉTALE, MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE, PHY- SIOLOGIE VÉGÉTALE, PHYTOHORMONES, PLANTES, PTÉRIDOPHYTES, REPRODUCTION, RYTHMES BIO- LOGIQUES, THALLE, VÉGÉTAL (ÉVOLUTION DU RÈGNE). ONTOLOGIE Métaphysique et ontologie L'Et re de Parménide L'ontologie platonicienne Aristote et la métaphysique Sc.ience et ontologie En quête du réel Le « paradoxe du théorique » Physique quantique et réalisme critique Langage et ontologie Du sens à la référence Une nouvelle problématique ontologique L'engagement ontologique Phénoménologie et ontologie Husserl Heidegger Gabriel Marcel Merleau-Ponty Au-delà de l'ontologie ? « Ontologie » veut dire : doctrine ou théorie de l'être. Cette simple définition, toute nominale d'ailleurs, propose une petite énigme de lexique : le mot « onto- logie » est considérablement nlus récent que la discipline qu'il désigne; ce sont les Grecs qui ont inventé la question de l'être, mais ils n'ont pas appelé ontologie la discipline qu'ils instituaient. Aristote .désigne de façon indirecte comme « la science que nous cherchons » la . théorie de l'être en tant qu'être. Ses successeurs, mettant en ordre ses cours de philo- sophie, ont appelé Métaphysiques les traités contenant cette théorie, voulant signifier à la fois que ces traités succèdent aux traités sur la nature, ou Physiques, et que leur objet dépasse, transcende celui de la nature. On n'a songé à donner le nom d'ontologie à la science de l'être en tant qu'être que lorsqu'il . a fallu préciser le statut de cette science par rapport aux sciences philosophiques qui traitaient, non de l'être en général, mais de l'être du monde, de l'être de l'âme, de l'être de Dieu et que l'on appelait cosmologie rationnelle, psychologie rationnelle, théologie rationnelle. On était amené, par une sorte de symétrie verbale, à placer en tête de ces trois sciences l'ontologie; celle-ci jouait ainsi le rôle de métaphysique générale par rapport à la métaphysique spéciale con- stituée par les trois autres disciplines. C'est cette dénomination qui a cours à la fin du xvm• siècle, lorsque Kant écrit la Critique de la raison pure. Mais les deux expressions « ontologie » et « métaphysique » se recouvrent tellement que Kant appelle métaphysique l'onto- logie de ses prédécesseurs, sans aucun doute pour opposer ses insuccès aux succès de la mathématique et de la physique. Dans le contexte de la philo- sophie critique, c'est en effet le contraste avec la physique qui est significatif, et le destin de l'ontologie se confond avec celui de la métaphysique. On ne doit pas, néanmoins, tenir pour accordée cette identification entre onto- logie et métaphysique. On ne consa- crera même qu'un paragraphe à l'histoire de l'ontologie comme métaphysique, réservant la majeure partie de cet àrticle aux recherches susceptibles de donner un sens non métaphysique à la question de l'être; on examinera d'abord comment la science - principalement la science physique - déploie une problématique ontologique, lorsque vient à se poser la question du statut de réalité des entités qui constituent le référent du discours scientifique; puis, généralisant la notion de discours et considérant · le langage dans toute son ampleur, on se demandera en quel seris l'acte même du discours, par son caractère de référence à quelque chose sur quoi on parle, présuppose une réalité extralinguistique; enfin, réflé- chissant sur cette postulation ontologique du langage, on s'interrogera sur le renvoi de notre être à l'être, qui précède le langage et rend possible la référence de notre discours à ce qui est. [J] Métaphysique et ontologie Jusqu'à Kant, l'histoire de l'être, c'est l'histoire de la métaphysique. Et pourtant la question de l'être ne s'y épuise pas; c'est même parce que la question est plus grande que la réponse de la métaphysique qu'elle ne cesse de renaître sous des formes nouvelles. On se bornera, dans ce paragraphe, à rap- porter la position du problème dans la philosophie grecque, en se limitant même à Parménide, Platon et Aristote, chez qui se discernent le noyau de tous le_s problèmes et J'origine de toutes les apones. Non pas qu'on ait l'illusion de croire qu'il ne s'est rien passé ap:ès Aristo_te. Le néo-pl~t'?ni~me, la philosophie scolastique, le cartesiamsme _ sans oublier Malebranche, Spinoza et Leibniz- constituent une série de continents philosophiques qui ont chacun leur configu- ration propre. Mais, avec Platon et Aristote, toutes les décisions sont prises qui comman- dent le destin de la métaphysique; avec eux est déjà atteint quelque chose comme la fin du commencement. L 'Etre de Parménide Si l'on fait ici une place à Parménide, alors qu'on sacrifie tant de grands auteurs dont on a gardé autre chose que des fragments, c'est que le Poème de Parménide permet de ressaisir l'affirmation ontologique en deçà de la métaphysique. « Il est >>, dit le Poème de Parménide; ce disant, Je penseur ne donne pas de sujet au verbe être; il le laisse être dans sa nudité et sa globalité. Voilà l'onto- logie avant la métaphysique; toutes les fois que l'interrogation humaine revient à «il est» et se demande ce que cela veut dire, elle reprend contact avec le sol ontologique de la pensée. Mais Parménide dit aussi : «Penser et être sont Je même. » Par cette formule, il propose une détermination double et mutuelle. D'une part, ce qui fait de l'homme un penseur, et non pas seulement un vivant, un artisan, un mathématicien, un citoyen, c'est sa capacité d'être « même » que être : autrement dit, l'être est la mesure du penser. D'autre part, l'être ne nous est pas radicale- ment étranger; il n'est pas le tout-autre : il est le « même » que le penser. Dès lors, les déterminations de la pensée et de l'être sont les mêmes. Par cet aphorisme, le pen- seur fondamental rend vaine et nulle la querelle du réalisme et de l'idéalisme. Si l'on "appelle réalisme la thèse selon laquelle la réalité est distincte de la pensée et si on ' appelle idéalisme la thèse selon laquelle nous ne connaissons que nos représentations, l'une et l'autre sont détruites; ou, si l'on veut, l'aphorisme de Parménide pose l'identité du réalisme absolu, qui efface la pensée devant l'être, et de l'idéalisme absolu, qui identifie les déterminations de l'être et celles de la pensée. Ce point d'identité n'est-il .pas le point de fuite de toutes nos pensées, •soit que nous croyions, avec Parménide et Hegel, que cette identité peut être effectuée ·dans un savoir lui-même absolu, soit que nous pensions avec Kant que cette pensée de l'être est seulement la limite de tous nos savoirs, limite qui détruit la prétention de notre sensibilité à porter à l'absolu nos connaissances empiriques? Ç'est dans ce sens que l'affirmation onto- log~.que sera encore présente dans la condam- nation de la métaphysique. Evoquons encore une autre formule de Parménide dans laquelle pn P<?Urrait voir le glissement de l'ontologie à ~ metaphysique. En effet, le poète de l'être dit encore : « Non, tii ne plieras pas l'être ~u non-être. » Cet aphorisme adjoint à ldaffirrnation de l'être une interdiction : celle e d 1 1re que le non-être est. Cette interdiction ~t ourde de conséquences : dans la mesure ou la négation appartient à la description du mouve:nent, du changement, du devenir (~ QUI n'était pas existe maintenant, ce qui existe maintenant ne sera plus), il faut dire que l'être ne comporte ni temps ni mou- le:nent. Il est intemporel et immuable. De u1: 1 on ne peut dire « il était, il sera », mais d I est », sans temps verbaux. On ne peut one P!us dire : « il devient, mais il est même due SOI ».- La possibilité de séparer l'être u d.evemr est posée, et avec elle la méta- phystque. En outre, si l'être et la pensée sont a meme chose, un pacte semblable se noue entre le mouvement et Je simple dpp~raître; une nouvelle transcendance se r:ssme, celle du savoir vrai ou science, par DPPort à l'opinion où règne l'apparence. aieu?t couples d'oppositions se constituent L ll.SI : ~tre et devenir, savoir et opinion. à e. Pren:uer de ces couples est ontologique htre direct, en ce sens qu'il est pris du côté des choses; le second !;est seulement à titre indirect, en ce sens qu'il est pris du côté de la connaissance et du discours. Néanmoins Je second couple intéresse encore l'ontologie, en ce que la science, c'est l'être vrai, c'est-à- dire l'être même en tant que pensé; et l'opinion, c'est un sembler, c'est-à-dire un paraître-être, un être mensonger, un pseudo- être. C'est pourquoi les Grecs ont tenu leur théorie de la science et de l'opinion dans Je cadre de l'ontologie et ne l'ont jamais éla- borée dans une « théorie de la connais- sance » distincte, encore moins dans une théorie de la connaissance préalable, comme dans une philosophie critique. La question du connaître est subordonnée à celle de l'être, comme la science l'est à l'être vrai et l'opinion au paraître et à l'être mensonger. Si donc on peut parler d'une interprétation métaphysique de l'ontologie, cette inter- prétation affecte les deux couples de contraires et concerne non seulement la transcendance de l'être au devenir, mais aussi celle de la science à l'opinion. L'ontologie platonicienne C'est cette double transcendance qui fait l'âme de l'ontologie platonicienne. Elle est si essentielle au platonisme que celui-ci a fourni, pour toute l'histoire ultérieure de la métaphysique, Je modèle par excellence d'une ontologie qui sépare l'être du devenir, le savoir de l'opinion. Bien plus, avec Platon, les deux transcendances n'en font qu'une : l'être véritable, le véritablement étant, c'est J'.I~oç, à la fois périmètre de réalité et contour d'intelligibilité; dans l'Idée de Pla- ton se continue l'affirmation parménidienne que l'être et la pensée sont la même chose; et aussi cette affirmation que l'être est intem- porel et immuable; cependant, à la différence de Parménide, il n'y a pas l'être, mais des êtres : les Idées, précisément. Pourquoi ce pluralisme à la place du monisme de la sphère parménidienne? Le pluralisme onto- logique de Platon répond à une exigence issue de débats entre les sophistes et Socrate concernant l'origine et la valeur du langage. Il s'agit, en effet, de donner au « nom » le poids ontologique d'une idée qui soit un être, de manière à soustraire Je langage à l'arbitraire de la convention et de la coutume. Si donc l'affirmation ontologique paraît morcelée par Platon en multiples idées, c'est pour répondre aux sophistes, accusés de cautionner l'arbitraire des dénominations, celui des définitions éthiques et celui des principes de la cité. Face à la sophistique, à l'ère du doute, du scepticisme moral et de la violence politique, Platon entreprend de lester d'être le discours, d'ancrer le discours dans l'être. Socrate avait ouvert la voie en cherchant les « définitions ». Mais c'est Platon, selon Je mot d'Aristote, qui« sépara» les Idées. Geste ontologique et métaphysique à la fois : puisque ce qui est fondamentale- ment est ailleurs, dans le « lieu intelligible » des Idées. Demander : qu'appelle-t-on courage, vertu, etc.? c'est demander : que peut bien être le courage, la vertu? L'être est ainsi fondement de dénomination. C'est pourquoi la multiplicité des noms appelle un pluralisme ontologique, une « ontologie distributive » (Diès), un « polythéisme des Idées » (Goldschmidt). L'idée, c'est « ce que chacun des êtres est », dans son contour distinct. On voit ainsi se constituer, avec Platon, une problématique qui recevra dans la tradition médiévale un titre distinct : le problème de l'essence (mot construit sur Je verbe latin esse, être). L'essence, c'est l'invariant de sens, ce qui fait qu'une chose est elle-même et non pas une autre, qu'elle est déterminée et par conséquent pensable. La querelle des universaux, au Moyen Age, portera précisément sur le statut ontologique des universaux : les genres que nous pensons ne doivent-ils pas, d'une manière ou de l'autre, être comptés parmi les êtres, si nous en avons une pensée vraie? Mais si, rétros- pectivement, on peut appeler le.s-Idées de Platon des essences, des êtres essentiels, et si les universaux sont bien les héritiers des Idées platoniciennes, il ne faut pas oublier ONTOLOGIE que le mot « essence » n'a pu se constituer qu'en opposition avec « existence », donc sous la présupposition que l'essence, si elle a de l'être, n'a pas à proprement parler d'exis- tence. Rien de tel chez Platon : les Idées sont « véritablement étant »; il ne leur manque rien dans l'ordre de l'être; nous sommes donc à un stade où l'être en tant qu'Idée est indistinctement essence et existence. Ce qu'on appellerait aujourd'hui les choses existantes sont seulement l'image ou l'ombre de ces essences-existantes; ce sont donc de moindres êtres, qui n'ont aucunement Je privilège d'exister qui ferait défaut aux Idées. On est donc dans une ontologie anté- rieure à la distinction de l'essence et de l'existence, encore qu'après coup on puisse voir se dessiner cette problématique dans le dualisme de Platon, plus précisément dans le rapport entre la séparation des Idées et la participation par laquelle les choses singulières ont part à J'être. Et il n'est pas inutile de rappeler que cette participation est pleine de difficultés et de paradoxes, que Platon, premier critique de Platon, se plaît à accumuler dans Je dialogue qui porte de façon significative le nom de Parménide. Cette critique du platonisme par Platon n'aboutit pas seulement à des apories, comme celle de la participation du sensible aux Idées, elle aboutit aussi à une révision d'ensemble du problème des rapports du langage avec l'être. La question de J'erreur impose une première révision, qui ne concerne d'abord que le langage; il appaJ;aît que le «nom» n'est pas le tout du langage; ce tout, c'est l'entrelacement des noms et des verbes dans le discours, lequel seul peut être vrai ou faux; mais cette révision, en apparence limitée au langage, a une répercussion dans la doctrine de l'être; en effet, l'entrelacement qui constitue Je discours est corrélatif,· du côté de l'être, c'est-à-dire des Idées, d'une « communi- cation entre les genres», laquelle rend possible l'attribution d'un terme à un autre dans le discours. Il ne suffit donc plus de poser la participation du sensible aux Idées, il faut aussi poser la participation des Idées entre elles. On doit alors concevoir une discursi- vité de l'être qui complète la position des Idées chacune en soi et pour soi. Celle-ci, à son tour, entraîne une révision radicale du parménidisme initial et de l'interdit jeté sur Je non-être; pour penser la discursivité de l'être, il faut instituer un nouveau discours ontologique qui pose, non plus les Idées des choses, ou genres de premier degré, mais les « grands genres » qui fondent la commu- nication des genres de premier degré. C'est ainsi que Platon esquisse la dialectique des cinq grands genres, dialectique dans laquelle l'Idée d'Etre n'est plus la seule idée fonda- mentale, mais un chaînon dans une structure complexe, où elle est « troisième », après Mouvement et Repos, et avant le Même et l'Autre. Une ontologie dialectique prend ainsi la suite de l'ontologie distributive du premier platonisme. Non seulement J'onto- logie se dialectise, mais elle se problématise ; l'énigme de l'erreur, c'est en effet que Je discours, qui est toujours « discours de quelque chose », peut être discours de quelque chose qui n'est pas; le non-être de l'erreur exige alors de poser l'« autre que l'être », avec autant de force que l'être, lequel, par choc en retour, paraît aussi obscur que le non-être. Cet aveu constitue Je véritable « parricide » à l'égard de notre père Parménide. Bien plus, l'ontologie, définie par Je mouvement de transcendance, au-delà du sensible, de l'opinion et du changement, paraît devoir être dépassée à son tour par Je même mouvement de trans- cendance qui, telle la marche au Soleil, semble exiger un « au-delà de l'être » sous la forme d'une Idée, l'Idée du Bien, dont on ne peut plus dire qu'elle est, mais seulement qu'elle est le principe de J'être, en même temps que la condition de la rencontre des Idées et des âmes. Ainsi Platon a-t-il pensé outre une ontologie dialectisée et problé- matisée une ontologie transcendée; l'idée toute moderne d'un au-delà de l'ontologie (et pas seulement de la métaphysique) a son plus ancien garant chez Platon. 95 ONTOLOGIE Aristote et la m é taphysique L'ontologie d'Aristote diffère de celle de Platon en ceci que ce qui est fondamen- talement, ce ne sont pas les idées , mais les individus concrets : Callias, cet arbre, ce temple. Les idées sont ramenées à leur statut de genres, dont l'existence n'est que virtuelle, comme l'homme en Callias . L'être, c ' est à titre primordial la substance (ousia , étance) sensible . Une ontologie du concret (chose, être vivant, personne) remplace une onto- logie des entités intelligibles (êtres mathé- matiques et êtres éthiques). Ce qu'on appel- lera plus tard d'un terme généralement péjo- ratif le substantialisme a d'abord été l'ex- pression du renversement de l'ontologie platonicienne et de son mathématisme au bénéfice des êtres concrets dont l'intelli- gibilité de principe est reconnue . Que voulons-nous dire quand nous affir- mons que l'être signifie à titre primordial la substance? Cette thèse ne prend son sens que quand on replace la signification « subs- tance » dans le champ d'une exploration sémantique de l'être. C'est là, avant le nom et sans le nom, l'ontologie d ' Aristote, qui débute par la fière affirmation du livre IV de la M é taph y sique : « Il y a une science qui étudie l'être en tant qu'être et les attributs qui lui appartiennent essentiellement. » Cette science n'a pas à être fondée; car, d ' où la dérivera-t-on? Il suffit de la dégager des opinions communes et de la tradition des compétents. L'expression « en tant que » signifie que l'on ne considère pas les sortes d'être, mais ce qu'il y a d'être dans les êtres ; ni non plus les causes multiples, mais la science une qui a pour thème l'être pur et simple. Et que dire de l'être en général? D'une autre manière que Platon, énumérant et ordonnant les cinq grands genres , Aristote note que « l'être se dit de multiples façons » ; il y a une polysémie - une s ignification multiple - du mot « être ». Et cela selon plusieurs lignes de distinctions. Dans un texte clef de la Afétaphysiqu e , au livre VI, Aristote propose d'analyser la notion d'être de quatre façons différentes : selon les caté- gories, selon l'être en acte et l ' être en puis- sance , selon l ' être vrai et l'être faux, selon l'être nécessaire et l'être par accident . Suivons la première ligne d'analyse : une première série de significations multiples se règle sur les différentes « figures » de l'attribution (d'où le nom de catégories); selon la suite des catégories, être veut dire successivement :substance , qualité, quantité, relation, etc. Ce qui est remarquable dans l'articulation de cette série, c'est que l'être ne constitue pas un genre par · rapport aux termes de la série (ce ne sont pas des syno· nymes); ces termes ne sont pas · non plus éparpillés (ce ne sont pas des homonymes) : ils renvoient de façon ordonnée au premier terme, réalisant ainsi une unité d'un type unique , que les scolastiques appelleront universalité analogique, qu'Aristote appelle « relative à un terme unique ». Or , ce terme unique auquel les autres significations de l'être renvoient, c'est la substance . A vrai dire, les mots « substance > >, « forme », «matière», «essence» et «existence» sont des transcriptions latines. Aristote dit ousia, qu'il faudrait traduire par « étance » (E. Gil- s on , L'Etre et l'Essence) . L'ousia est en effet la première catégorie , en ce sens qu'il faut que quelque chose soit et soit déterminé pour avoir qualité, grandeur, relation, lieu, temps, etc. ; être-ceci précède être-tel , etc. Mais la notion contenue dans Je mot latin substantia est déjà sous-entendue dans cette préséance . Car, pour avoir qualité , grandeur, relation, etc., une chose doit demeurer ce qu'elle est, subsister sous la diversité de ses déterminations . Selon la deuxième ligne de distinction, l'être peut être dit en acte, c'est-à-dire accompli, ou en puissance, ' c'est-à-dire inachevé mais tendant vers l'achèvement. Cette distinction, qui fut l'occasion de bien des analyses purement verbales dans l'his- toire de la physique avant Galilée , eut du moins le mérite de réintroduire le mouve- ment et Je changement dans la sphère d'intel- 96 Jigibilité; pas de changement, en effet, si l'être est plein et achevé, si rien n'est poten- tiel, virtuel; cette modalité aristotélicienne du non-être fut, pour la suite de l'histoire des idées, une grande conquête et un redou- table piège. Toutefois, c'est la première ligne de dis- tinction qui détermine Je droit fil de la métaphysique aristotélicienne; c'est, en effet, à déterminer la substance que contri- buent non seulement la distinction des caté- gories, mais la distinction de l'acte et de la puissance (et bien d ' autres distinctions aussi importantes, comme celles de la forme et de la matière , celle des quatre causes, etc.) . L'ontologie est à la fois l'art des distinctions et celui de centrer sur une chose unique tout le discours philosophique; ce centre est la substance. Cette primauté de la substance . est si entière que même les principes de la logique s ' y subordonnent; ainsi le principe d'iden- tité - ou ce qu'on nommera ainsi dans l'histoire de la logique- n'énonce pas une règle formelle pour la pensée , celle de ne pas se contredire , de rester en accord avec soi-même ; c'est parce que les choses sont ce qu'elles sont , déterminées, que la pensée ne peut poser cette chose et autre chose ; nier le principe de contradiction, . c'est nier qu'un être soit ce qu ' il est ; c'est, dit Aristote, « nier l'être et la substance ». Telle est la réponse au sophiste , témoin de Ill- non-philo- sophie et que la philosophie n'a jamais fini de réfuter . Mais que veut dire ousia? Ousia désigne ce qui est sujet et jamais attribut, autrement dit ce dont tout le reste s'affirme et qui n'est lui-même affirmé d'aucune chose; c'est aussi, au point ' de vue physique, ce à quoi les déterminations arnvent . Il est vrai que les dèux acceptions, logique et physique, se contrarient : la première tend à identifier la substance à la forme, au principe de détermination; la seconde tend à l'identifier à la matière qui est , certes, capable de la forme, mais qui, comme telle, est indéter- minée. C ' est pourquoi Aristote subordonne la seconde à la première acception, toute sa philosophie requérant un principe de déter- mination ; la substance doit être quelque chose, «un sujet réel et déterminé> > . Dès lors, toute l'intelligibilité se concentre dans la forme ; la tradition du Moyen Age parlera à la suite d'Aristote de « forme substan- tielle » ; cette forme est manifestement héri- tière de l'Idée platonicienne; mais alors que celle-ci était nettement séparée du sen- sible; chez Aristote, la chose et la forme sont identiques, tant logiquement que physi- quement. En · quel sens peut-on dire de l'ontologie d'Aristote qu'elle est une métaphysique? Bien qu'elle lutte contre le dualisme plato- nicien des idées et des choses sensibles, elle est néanmoins métaph y sique de deux manières . D'abord en ceci que l'analyse ontologique du réel, avec tout son jeu de distinctions, tend essentiellement à faire prévaloir au cœur même du réelle déterminé, l'intelligible, l'immuable; c'est ce qu'im- plique)lt Je primat de la substance sur les autres catégories et la définition de la substance par la forme; un subtil plato- nisme des formes se trouve ainsi préservé au cœur du réel, à la faveur même de la critique de la transcendance des Idées. Historiquement , c ' est bien ainsi que l'aris- totélisme a agi : la théorie des formes subs- tantielles, la distinction de l'acte et de la puissance et même la différenciation des catégories ont cessé d'animer une analyse vivante du réel pour s'enliser dans un dog- matisme paresseux qui a barré la route de l'expérience; c ' est pourquoi la physique gali- léenne et cartésienne a dû se constituer contre l'aristotélisme, dont le caractère métaphy- sique apparaissait par contraste. Par un curieux paradoxe , la même philosophie qui , à l'origine, avait marqué la conquête de l'intelligibilité du réel contre le platonisme apparaissait, au terme d'un parcours de dix-huit siècles , comme la consécration de la métaphysique du sens commun; celle-ci ne pouvait être brisée que par un retour au mathématisme platonicien qtii, du même coup, s e révélait le plus fécond pour fonder la physique mathématique. Ce qui, plus que tout, caractérise l'onto- logie aristotélicienne comme métaphysique, c'est l'affirmation décisive que la philoso- phie première a pour objet celles des subs- tances qui sont séparées et immobiles. Par cette affirmation, la philosophie se fait théologie : en effet, le sens de l'être se reconnaît aux êtres qui sont le plus substance, c'est-à-dire qui sont le moins mêlés de matière et de changement, donc qui sont le plus acte et le moins puissance . Ces êtres séparés et immuables constituent la sphère du divin , à savoir les intelligences des sphères séparées (dans une pha s e de théologie astrale) ou Dieu, identifié à la pensée qui se pense elle-même (dans la phase de théologie noétique représentée par le dernier livre de la Métaphysique) : Telle est la thèse méta- physique par excellence de l'ontologie aristotélicienne et la source de ce que Kant, avant Heidegger, a caractérisé comme étant une onto-théologie. Du point de vue stricte- ment historique, le rapport de l ' ontologie , ou science de l'être en tant qu'être, à la théologie , ou science de l'être premier, soulève une difficulté considérable d ' inter- prét;ition . S'agit-il d'une confusion, d'un glissement de sens? Ou de deux états succes- sifs de la pensée d'Aristote, amalgamés par les rédacteurs des traités métaphysiques? Mais on peut aussi concevoir qu'Aristote ait réellement pensé ce rapport : si , en effet , parmi les significations de l ' être, la substance est première, ne peut-on dire que , à son tour, la substance divine est .- première parmi les significations de la substance, en vertu d'un principe dè . hiérarchisation tiré de la notion d'acte? Il s'établit ainsi un lien de continuité analogique entre · l'être en tant qu'être de l'ontologie et l'être premier de la théologie. Dès lors, les êtres exhibent l ' être, dans la mesure où ils s'approchent de l'être premier, modèle et fin dont ils dépendent. Ainsi connaître Dieu, c'est connaître tout être et l'être en généraL Du même coup , une situation analogue à celle de la philosophie platonicienne était recréée : la transcendance des substances séparées et immobiles reconstituait le dualisme plato- nicien de l'intelligible et du sensible sur la base de la hiérarchie des substances, pointant vers l'acte pur. Cette coalition entre la théorie de l'être en tant qu'être et celle de l'être premier a scellé le destin de la méta- physique occidentale; c'est en vertu de cette identification que les preuves de l'existence de Dieu seront considérées comme le couron- nement de l'édifice philosophique et le reste- ront jusqu'à Kant. Cette orientation de l ' ontologie vers une théologie rationnelle la caractérise, plus que tout , comme méta- physique. 1_ Si la physique galiléenne et cartésienne sonne le glas de la métaphysique au pre- mier sens (la philosophie des formes subs- tantielles), la philosophie kantienne marque le coup d'arrêt de la métaphysique au second sens (au sens de l'onto-théologie). La possi- bilité de connaître des êtres non sènsibles est mise en question dès le niveau de l ' « Esthé- tique transcendantale » de la Critique de la raison pure. Si, en effet, l'espace et le temps sont les formes a priori de notre sensibi- lité, toute connaissance qui transgresse les limites de la connaissance sensible échappe aux conditions de l'oQiectivité, s'enlise dans les paralogismes et les antinomies. Une philosophie des limites succède aux . . thèses dogmatiques de la métaphysique, placées par la critique sous le signe de l' « illusion transcendantale » . La question posée par la philosophie post-kantienne est de s avoir si le pacte noué entre ontologie et métaphy- sique peut être dénoué, si une ontologie sans métaphysique est possible. [Il Science et ontologie En quête du réel On a pris jusqu'ici le mot « ontologie » comme synonyme de métaphysique. C ' est encore par cette identification que l'ontologie tombe sous la critique kantienne. Mais la philosophie kantienne est en même temps la aémonstration vivante que la question de J'être renaît des cendres mêmes de la méta- physique : la « chose en soi » reste Je fondement du « phénomène » et toute la philosophie · pratique est une tentative pour aéterminer la notion d'être à partir de la liberté. L'ontologie n'est donc pas seulement Ja métaphysique. On voudrait montrer, dans cette deuxième partie, comment la science elle-même engendre sans cesse à nouveau l'interro- gation ontologique. En effet, ce n'est pas de façon métaphysique, mais bien physique, que la science rencontre la question de J'être. Entendons : la question de l'être, pour la science, c'est la question de savoir ce qui, pour elle, est tenu pour réel, au sens de non conventionnel, non produit par l'acti- vité théorique et pratique du savant. C'est donc de l'épistémologie elle-même - ou théorie du savoir scientifique - qu'il faut désimpliquer une problématique de caractère ontologique. La question ontologique, pour J'épistémologie, c'est d'abord celle de la réalité des entités théoriques dont parle la science; cette question a pris une forme critique aiguë avec la mécanique quantique; c'est en effet la physique moderne qui a relancé la question de savoir ce que le savant entend par réalité; autrement dit, la question ontologique, pour la science, c'est d'abord la question du référent du discours scienti- fique : demander ce qui est, c'est demapder ce qui est rée~; et demander ce qui est réel, c'est demander de quoi on parle dans la science. Ainsi se trouve rénovée la première question du Traité aristotélicien des caté- gories : celle de la substance; en langage moderne, cette antique question s'énoncerait ainsi : telle entité, dont la science fait la théorie, appartient-elle à la « population » d'entités dont l'ensemble constitue Je monde? La science rencontre lè problème ontolo- gique sous une autre forme : c'est la question de savoir si elle pose une seule sorte de réalité -la «matière» ou réalité physique- à laquelle toutes les autres réalités - vie, conscience ou esprit - seraient réductibles, ou si, au contraire, la science doit postuler une pluralité de niveaux de réalités, irréduc- tibles les unes aux autres. Ainsi deux problèmes se trouvent enchaî- nés qui concernent deux significations diffé- rentes du mot « réalité » : le référent du discours scientifique, les niveaux ou les degrés de réalité. Le « paradoxe du théorique » Les entités théoriques de la science moderne posent un difficile problème, quant _ ,à leur statut de réalité, parce que ce sont des entités « construites » : entendons des entités qui n'ont de sens / que dans le cadre d'une théorie, laquelle est bien autre chose qu'une généralisation des lois empiriques. Pour le positivisme logique, seuls les « obser- vables » sont en dernier ressort le critère du réel; ce phénoménalisme de base doit seule- ment être complété par un opérationalisme afin de rendre compte du statut des entités non observables ; par opérationalisme, on entend la doctrine selon laquelle les entités construites se réduisent à des expressions ~uxiliaires, c'est-à-dire soit à des entités ·~n~ées sur des observables, soit à des pro- cedes pour calculer les observables; la Question du statut des entités théoriques est l d_onc un pseudo-problème : la seule question egitime est de savoir si l'adoption d'une certaine forme de langage est avantageuse Pour la théorie physique ; des « règles de correspondance » doivent toujours per- md ettre de remplacer les non-observables par d es observables dans un énoncé portant sur es entités constxuites. Les adversaires du positivisme logique répliquent que le positivisme est moins la Pliilosophie que la science propose qu'une ~hilosophie imposée à la science; le posi- tivisme logique présuppose en effet une théorie de la signification, selon laquelle seuls ont un sens les énoncés qui impliquent les conditions dans lesquelles ils pourraient être vérifiés. C'est pourquoi une philosophie non positiviste de la science procède autant d'une critique de la théorie vérificationniste de la signification que d'une attention plus grande portée à ce . que la science réalise effectivement. Le dépassement du positi- visme logique s'est ainsi produit sur deux fronts, celui de la sémantique et celui de l'épistémologie. Mais, bien souvent, les physiciens ignorent les progrès opérés dans la pn;mière direction par la philosophie linguis- tique et tiennent pour acquis que l'empirisme logique est la philosophie implicite de leur propre méthodologie. Sortant franchement du cadre de l'opéra- tionalisme et du phénoménalisme dont le premier · est le complément, les adversaires du positivisme logique mettent en question son hypothèse initiale, à savoir que la science repose en dernier ressort sur des observables. Tout phénomène, se demandent- ils, ne doit-il pas déjà être une entité cons- truite pour accéder au statut scientifique? Si ce doute est fondé, on peut se demander si la conviction selon laquelle la science est suspendue à des observables n'est pas ce qui empêche de reconnaître ce qui se passe réellement dans le travail de connaissance à l'œuvre dans la science. Dès lors, la question du référent du discours scientifique prend un tout autre sens : si les entités construites ont quelque référence dans la réalité, ce n'est pas dans la mesure où elles se réduisent ou se relient à des observables, lesquels seuls atteindraient quelque chose de la réalité ; c'est en tant même qu'entités construites qu'elles prétendent expliquer la réalité. D'où le paradoxe : ce qui est le plus éloigné de l'expérience est, en dernière analyse, le plus réel. «Ce paradoxe du théorique» oriente vers un type de solution particulièrement complexe, selon laquelle la fonction expli- cative d'une théorie réside dans sa valeur de représentation à l'égard d'un segment de la réalité, sans pourtant qu'aucun des concepts mis en jeu ait une valeur phénoménale. L'idée d'une construction qui soit en même temps une description de la réalité est cara'ctéris- tique du « réalisme critique » qui tend à succéder au positivisme. La même discussion portant sur le statut de réalité des entités théoriques renaît à propos des « modèles », qui jouent un rôle décisif dans la logique de la découverte; ainsi la théorie moderne de l'atome s'est appuyée, pour interpréter les situations inhabituelles et artificielles analysées en laboratoire, sur des configurations empruntées à un ordre de réalité connue (dans le cas considéré, la configuration du système solaire et stel- laire). Faut-il alors tenir Je modèle pour un simple expédient, dont le rôle serait de vi- sualiser les propriétés de la nouvelle entité? Mais le rôle de visualisation, aussi essentiel soit-il, ne doit pas dissimuler le fait le plus important : l'enjeu de la construction d'un modèle est la formation d'une théorie plus abstraite. C'est pourquoi l'épistémologie contemporaine tend à rapprocher la notion de modèle de celle de l'interprétation d'un formalisme logico-mathématique par le moyen de règles sémantiques et syntaxiques; le modèle est, en ce sens, une interprétation partielle. La question est alors d'apprécier la portée « réaliste» de ces modèles ; le débat entre conventionnalisme et réalisme rebondit ici. S'il est vrai que les modèles ont pour fonction d'interpréter les forma- lismes Jogico-mathématiques à l'aide de règles sémantiques et syntaxiques, on peut comprendre que, en interprétant ces forma- lismes dans un sens empirique, les modèles les « appliquent » en même temps à un sec- teur de la réalité. Ce serait alors la fonction d'une science avancée de viser par ses con- cepts théoriques les aspects profondément ancrés de la réalité. Alors que, pour les posi- tivistes, les entités non observables ont seule- ment un caractère méthodologique, pour le réalisme critique, les raisons d'adopter une théorie sont également les raisons d'accep- ter l'existence des ent.ités que celles-ci pos- tulent. · ONTOLOGIE Physique quantique et réalisme critique Comme on l'a signalé plus haut, c'est la théorie quantique qui a porté ce débat à son degré le plus aigu. Et ce sont les créateurs mêmes de la mécanique quantique qui ont introduit l'énorme débat philosophique qui, loin de s'apaiser, ne cesse de susciter de nouvelles positions. La sorte de philosophie que Bohr, Heisenberg, Pauli ont élaborée dans · le prolongement de leur physique ne va pas dans le sens du réalisme critique qu'on vient d'exposer. Les deux «images» du · réel - la particule et l'onde - développent une contradiction qui affecte l'identité même de la chose et fait ainsi vaciller sa réalité ; bien plus, ne faut-il pas interpréter en termes de subjectivité l'alternance et la préférence qui s'exercent entre deux langages égale- ment justifiés? Et chacun des deux langages n'exprime-t-il pas une représentation plus qu'une réalité? En outre, le caractère de probabilité qui s'attache à la notion de posi- tion n'introduit-il pas un élément d'incerti- tude, donc de subjectivité ? Ce qui, plus que tout, écarte de tout objectivisme et de tout réalisme l'interprétation philosophique des formules de la physique quantique, c'est l'affirmation que l'observateur et la chose observée sont inséparables au niveau de la réalité où la théorie opère. L'élément sub- jectif, une fois introduit en physique, est poussé parfois très loin : n'a-t-on pas été, dans l'école de Copenhague, jusqu'à voir, dans l'indéterminisme du principe d'incer- titude de Heisenberg, un argument en faveur de la liberté humaine? Quoi qu'il en soit de ce dernier argument, le micro-objet paraît bien dénué d'existence autonome ; si rien n'arrive en dehors de l'intervention de l'ob- servateur, .le micro-objet est un micro-événe- ment situé à la croisée de l'observateur et de la chose observée. Il n'est pas niable que l'interprétation philosophique développée par l'école de Copenhague ne va pas dans le même sens que le réalisme critique qui prétend recueillir la succession du positivisme logique. C'est pour9uoi il n'est pas étonnant que les tenants du realisme critique s'efforcent de séparer la théorie proprement physique de ses im- plications philosophiques. Ces critiqùes s'efforcent de montrer que Jè scepticisme évoqué plus haut à l'égard de la réalité autonome repose sur la même théorie de la vérifiabilité que le positivisme logique ap- plique aux significations en général. Cette accusation de positivisme, adressée à l'école de Copenhague, conduit certains philosophes de la science à tenter de réduire l'écart entre la philosophie tirée de la physique quantique et le réalisme critique. Ils s'appuient sur les travaux des physiciens qui tendent à donner une solution purement physique des contra- dictions alléguées par l'école de Copenhague sans recourir à un dualisme définitif ni sur le plan de la réalité, ni entre une chose phy- sique et une réalité mentale, ni entre l'objet et le sujet; l'évolution de la pensée de Louis de Broglie est à cet égard particulièrement frappante. Les paradoxes de l'école de Copenhague perdent en effet de leur force si on les interprète à la lumière d'une con- ception générale, moins dépendante du positivisme, concernant la nature et Je rôle de la théorie en physique. L'intervention de l'observateur, en tant qu'elle est elle-même physique et non mentale, c'est-à-dire liée à des instruments, est-elle fondamentalement différente de la conjonction, en toute théorie, entre une expérience actuelle, un état initial de la science et un ensemble instrumental? D'autre part, les énoncés dont la vérification présente des difficultés, voire des irnpossi- bilités, en ce qui concerne la prédiction appli- quée à des individus, perdent-ils pour autant leur sens réaliste? N'est-ce pas lier l'existence à la condition d'être observable? L'argu- ment que l'observateur · perturbe la chose physique ne présuppose-t-il pas son existence autonome? Tel est l'effort du réalisme critique pour dépouiller de son revêtement philoso- phique l'acquis scientifique de l'école de Copenhague et pour intégrer ce dernier 97 ONTOLOGIE à une conception plus objectiviste et plus réaliste des entités théoriques non obser- vables. G] Langage et ontologie La science n'est pas la seule activité hu- maine qui développe une problématique ontologique. On peut se demander s'il ne faut pas chercher un fondement plus pri- mitif que la science elle-même à la résistance d'un grand nombre de théoriciens de la science au conventionnalisme, ainsi qu'à leur tenace conviction que le discours scien- tifique atteint la réalité, même (et peut-être surtout) lorsqu'il élabore des entités dont le sens est exactement défini par une théorie dans la forte acception du mot. Pour le réa- lisme critique, qut paraît bien être la philo- sophie naturelle de la science, les raisons d'adopter une théorie sont aussi, comme on l'a dit plus haut, des raisons d'admettre l'existence des entités que celle-ci postule. L'idée que, dans la science, la construction d'entités théoriques est en même temps une description de la réalité semble bien un caractère que le discours scientifique a en partage avec d'autres discours. Il est alors raisonnable d'explorer l'hypothèse selon laquelle la position d'être serait un postulat qw appartiendrait au discours en tant que tel. C'est cette hypothèse qui conduit à înterroger le langage lui-même quant à ses implications ontologiques. ' Du sens à la référence L'aspect du langage qui est ici en cause a été désigné du terme général de« référence». On y a fait une première allusion en appelant les entités théoriques de la science le référent du discours scientifique. C'est donc la théorie générale de la référence qu'il faut mainte- nant considérer, sans distinguer entre dis- cours scientifique et discours ordinaire. Précisons ce qu'on entend ici par discours. Emile Benveniste distingue le discours de la langue. La langue est l'ensemble des codes (phonologique, lexical, syntaxique) qui ca- ractérisent une communauté historique ; le discours est la suite des messages émis par des individus de cette communauté placés dans une situation de communication. Comme l'avait dit W. von Humboldt, le discours est un usage infini de moyens finis. Cet usage infini est la suite des messages, et les moyens finis sont les codes. La langue n'existe pas à proprement parler : ce n'est que le système virtuel des permissions et des interdictions sur lequel les actes du discours, seuls réels, s'édifient. Le discours est le lan- gage mis en action. Langue et discours ne reposent pas sur les même _ unités : l'unité de langue est le signe, aussi virtuel que la langue elle-même ; l'unité de discours est la phrase, ou « instance » temporelle, événe- mentielle, qui fait que le discours arrive c'est-à-dire paraît et disparaît. On ne dérivé donc pas la seconde sorte d'unité de la pre- mière. Le signe en effet est seulement une valeur différentielle dans le système de la langue; il n'existe qu'en opposition avec d'autres unités du même système; la phrase est une combinaison circonstantielle entre ces signes visant à l'expression des sujets, à la communication et à la représentation de la réalité. · Ces remarques brèves . suffisent à faire comprendre qu'il n'y a pas de pro- blème de référence pour la langue, mais seu- lement pout le discours; dans la langue, toutes les relations sont internes; ce sont des différences entre des signes ; seul le discours peut être le sujet de quelque chose. La langue, dirons-nous, n'est faite que de différences, le discours seul fait référence. On ne parlera donc plus, ici, de langue, mais de · discours. Pour saisir dans toute son ampleur la problématique ontologique impliquée dans tout discours, il est opportun de partir de la dis!inction introduite par G. Frege, dans son arttcle fameux de 1892, entre Sinn (sens) et Bedeutung (signification ou référence). Le sens, . c'est ce que dit une expression lin- guistique ; la référence, c'est ce au sujet de 98 quoi cela est dit; ainsi, « le vainqueur d'Iéna» et «le vaincu de Waterloo», ou encore «l'élève de Platon» et« le maître d'Alexan- dre » sont-ils chaque fois deux sens diffé- rents, mais désignant la même entité, Napo- léon ou Aristote; il peut aussi y avoir sens sans qu'il y ait référence, comme lorsqu'on parle d'une vitesse supérieure à celle de la lumière; signifier (avoir un sens) et désigner (quelque chose) ne coïncident donc pas; alors que le sens est idéal (c'est-à-dire irréductible aussi bien à la réalité physique des choses qu'à la réalité mentale de la représentation), la référence ajoute la prétention de saisir la réalité. Comme dit fortement Frege, nous ne sommes pas satisfaits avec le Sens, nous voulons en outre la référence; cette « inten- tion » qui fait la flèche du sens, cette « im- pulsion» (Drang) à «avancer» du sens vers la référence n'est autre que l'exigence de vérité. Dans le cas du nom propre, cette exigence est la simple correspondance du nom à la chose singulière dénommée; dans le cas de la phrase entière, c'est la valeur de vérité elle-même qui constitue la référence ; autrement dit, il y a « connaissance », au sens fort du mot, lorsque la pensée est consi- dérée " avec sa valeur de vérité, c'est-à-dire avec sa référence plénière. Ainsi une théorie du signe linguistique n'est complète que si l'on rapporte le signe au sens, qui n'est pas quelque chose de mental, et si en outre on avance du sens à la référence. C'est ce mou- vement de postulation d'un réel qui constitue l'implication ontologique du discours. La même exigence est formulée par Husserl dans la première des Recherches logiques : il n'est pas d'expressions linguistiques signi- fiantes sans un «acte qui confère sens» ; or, ce qui donne son« caractère d'acte» à la signification, c'est son pouvoir de « viser » , quelque chose, de « se diriger vers » un objet ; maintenant, cette visée peut rester « vide » ou au contraire se « remplir » par la présence de quelque chose, que ce soit une relation catégorielle ou une chose phy- sique en chair et en os. Avec la distinction husserlienne de la visée vide et du remplis- sement, on retrouve donc, dans un autre vocabulaire, la distinction de Frege entre sens et référence ; la visée, en tant que telle, est seulement visée d'un «même», d'un «identique»; cet «idéal», comme le « sens » de Frege, n'est pas encore ce au sujet de quoi on parle; seul le « remplisse- ment » assure la référence du langage; quand l'intuition et le sens se «recouvrent», alors le langage se dépasse dans autre chose que le signe, qu'on l'appelle« objet», dans le cas où le signe est un nom, ou « état de chose », dans le cas où le signe est une phrase. Une nouvelle problématique ontologique C'est ainsi qu'au début de ce siècle Frege et Husserl ont posé à la philosophie du langage le problème du rapport du sens à la référence, ou de la signification au remplissement, pro- blème qui contient en germe une nouvelle problématique ontologique qui ne doit rien à la métaphysique pré-kantienne. La philosophie de Russell est, à cet égard, un extraordinaire chantier pour une onto- logie entièrement dominée par la logique, la théorie de la connaissance et la philoso- phie du langage ; à l'époque des Princip/es of Mathematics (1903), son ontologie est foisonnante : chaque mot se réfère à quelque chose; si le mot est un nom propre, son objet est une «chose» qu'on peut dire exister; sinon, c'est un concept; qu'on peut dire seu- lement subsister. « Les mots ont tous une signification en çe seris simple que ce sont des symboles qui tiennent lieu d'autre chose qu'eux-mêmes. » Et Russell accueille libé- ralement au royaume des choses les instants et les points; au-delà de l'existence, qu'il ne reconnaît qu'aux choses, il y a le reste des entités : « Nombres, dieux homériques, rela- tions, chimères, espace à quatre dimensions ont tous l'être (being), car s'il n'y avait pas d'entité de ce genre, nous ne pourrions faire des propositions à leur sujet. · Donc l'être est une propriété générale de toutes choses, et faire mention de quelque chose c'est mon- trer que cela est ». Cette ontologie non discriminante est comparable à celle de A. Meinong, qui accueille au nombre des êtres même les objets impossibles. Toute la philosophie ultérieure de Russell, considérée du point de vue de son développement onto- logique, est une entreprise longue et patiente de réduction appliquée à cette population foisonnante d'entités. La fameuse théorie des « descriptions singulières » (On De- no ting, 1905) conduit à restreindre la sphère d'existence aux seuls répondants des noms propres logiques (on appelle descriptions définies singulières les expressions du type «le tel et tel », c'est-à-dire des expressions constituées par l'article défini suivi . d'un noni commun ou d'une locution équivalente permettant d'identifier une chose et une seule); la stratégie consiste à élaborer les paradoxes résultant de l'admission sans discrimination de tous les noms apparents dans le cercle des expressions qui dénotent quelque chose ; tout paradoxe s'évanouit - par exemple celui qui s'attache à l'expres- sion : « le roi de France est chauve » - si l'on reformule la proposition de manière à faire passer du côté du prédicat tous les faux noms propres et à ne retenir, pour la fonction de sujet logique, que les noms logiquement propres; le sujet apparent est alors une description définie (la proposition «le roi de France est chauve» n'a de signi- fication que si elle est l'abrégé d'une phrase qui n'a pas le roi de France pour sujet : « il existe un x qui est roi de France et qui est chauve»). L'argument présuppose que nous croyions légitimement à l'existence des choses dénotées par les véritables noms propres. En ce sens, la réduction des para- doxes tend à préserver du doute et du scep- ticisme ce qu'on peut appeler l'engagement ontologique à quoi nous sommes commis par l'usage des noms propres. Si Russell est tellement soucieux d'éliminer les paradoxes de la référence, c'est parce qu'il n'a pas, con:ime Frege, la ressource de distinguer sens et référence;« Napoléon signifie (means) un certain individu » et « homme signifie une classe entière de particuliers dotés de noms propres» (Analysis of Mind, 1921). Dès lors le manque de référence ne diffère pas du manque de signification; c'est pour- quoi le roi de France ne peut être banni du royaume de l'être si l'on n'édifie pas l'appa- reil compliqué de la théorie des descriptiOns. Les descriptions singulières, à leur tour, sont seulement un cas de « symboles incom- plets >>; un autre cas de symboles incomplets est fourni par les classes, ces mêmes classes que, dans sa première ferveur ontologique, Russell avait placées parmi les choses et non parmi les concepts. Ici encore, c'est la mé- thode des paradoxes qui met en mouvement l'argument; ainsi, le paradoxe de la classe de toutes les classes qui n'appartiennent pas à elles-mêmes interdit d'identifier la classe avec la somme des choses incluses en elles; la solution par la théorie des types (1908) aboutit à hiérarchiser les niveaux de discours et ainsi à exclure les classes du royaume ontologique pour les rejeter du côté des symboles incomplets. Une théorie de plus en plus nominaliste des «fonctions propo- sitionnelles » encadre désormais la théorie des types, et avec elle les classes et tous les universaux. De quoi, dès lors, peut-on dire que cela est ? Ici recommencent les per- plexités; dans la philosophie de l'atomisme logique, Russell parle de « ces simples ul- times, dont le monde est fait [ ... ] et qui[ ... ] ont un genre de réalité qui n'appartient à rien d'autre. Les sortes de simples sont en nombre infini : il y a les particuliers, les qualités et les relations de divers ordres, · enfin toute une hiérarchie. » Mais si ce sont les phrases et non les mots qui sont porteurs de la signification complète, ne faut-il pas placer au nombre des choses ce qui corres- pond aux phrases et qui est affirmé par elles ? Si, avec Russell, on appelle «fait» le répondant des propositions vraies, il faut dire que « les faits appartiennent au monde objectif» (wgic and Knowledge, 1946) ; la distinction des faits et des choses est ainsi parallèle, du côté des existants, à la distinc- tion des phrases et des noms du côté du langage. Ici encore la non-distinction entre sigriification et référence conduit à chercher une entité qui serait à la phrase ce que les choses sont au nom. Cette ontologie des «faits» n'est pas aisée à coordonner avec celle des choses, puisque les faits « atomi- ques », donc simples, sont des objets com- plexes et que ces derniers sont des classes de sense-data, lesquels, selon Our Knowledge of the External World (1914), sont les atomes derniers. On voit le chemin parcouru à partir d'une ontologie qui admettait parmi ses entités << les nombres, les dieux homériques, les relations, les chimères et les espaces à quatre dimensions», jusqu'à l'ontologie du monde extérieur pour laquelle la réalité se réduit à l'ensemble des sense-data, en passant par une ontologie des objets, puis des faits. L'exemple de Russell, dont l'activité phi- losophique couvre et domine trois quarts de siècle, est le meilleur qu'on puisse donner, non seulement de la problématique ontolo- gique déployée par le langage, mais des perplexités considérables qui s'y attachent. La dualité des objets (répondants des noms) et des faits (répondants des phrases) élaborée par Russell, avant qu'il ait rencontré Witt- genstein, se retrouve dans le Tracta/us /ogico- philosophicus de ce dernier, sans que l'un ait emprunté à l'autre. Ludwig Wittgenstein pousse la théorie de la référence au point extrême où elle postule une relation en mi- roir entre propositions vraies et faits (dé- nommés états de chose); c'est la fameuse théorie du « tableau» qui, sans retourner à la vieille théorie de la mimèsis dont Platon s'était dégagé avec tant de peine, invoque une homologie de structure entre le discours et la réalité. Cette ontologie est sans doute la plus radicalement simple qu'on puisse concevoir ; mais cette simplicité, qui lui confère une beauté cristalline, encore re- haussée par le style aphoristique du Trac talus, laisse paraître, dans toute sa violence, le paradoxe sur lequel l'ouvrage se brise; par une sorte d'audace virtuose, Wittgenstein ouvre le Tractatus par des propositions franchement ontologiques : sur le monde - qui est « tout ce qui arrive»-, sur les faits, sur les objets ; mais, comme les limites de notre langage sont celles du monde, on ne peut donner un sens à cette thèse du monde en dehors de la structure même du langage et des propositions du langage; si bien que les faits du monde sont le doublet des struc- tures propositionnelles, lesquelles, en retour, sont le tableau des faits ; le simple énoncé de ce reflet d'un reflet est tenu par Wittgen- stein lui-même pour un «non-sens ». P. F. Strawson (On Referring, 1951) s'est attaqué au paradoxe de Russell des expres- sions qui, parce qu'elles se réfèrent à une chose et une seule (le tel et tel : le roi de France), ressemblent à d'authentiques noms propres et semblent ainsi postuler un monde d'étranges entités. Il renonce à la reformu- lation de Russell qui rejette du côté des ~escriptions, donc du prédicat, les faux su- Jets logiques et ne garde du côté du sujet que les vrais noms propres, les noms propres logiques, lesquels seuls désignent quelque chose qui est. Cette solution, selon Strawson, a l'inconvénient majeur de suspendre l'onto- !ogie au pouvoir de dénotation qui s'attache a des entités !p"ammaticales introuvables : les noms logiQuement propres (logically Pfoper names), d'où sont exclues les descrip- tions définies. Ces noms logiquement pro- Pres sont introuvables parce qu'ils devraient finalement désigner tous les « ceci » et tous les « cela » d'une expérience privée; ce qui suppose un lexique infini et incommuni- cable : hypothèse qui ruine deux fois le langage. La solution de Strawson est d'une élégante simplicité; on distinguera, pour la même phrase, son sens et son emploi; ainsi la même phrase - le roi de France est sage- énoncée à divers moments, sous divers r 1 ègnes, est tantôt vraie, tantôt fausse; selon t:s circonstances, on parle au sujet d'indi- VIdus différents; c'est l'emploi circonstantiel qui crée les conditions pour que l'assertion soit vraie ou fausse ; la phrase considérée hor~ tl'nn Pmnloi rléterminé n'est encore ni vraie ni fausse; c'est ce qui arrive lorsqu'on fait une citation où l'on mentionne un nom sans l'employer, c'est-à-dire sans l'appliquer à quelqu'un. Se référer n'est donc pas quel- que chose que l'expression fait; c'est quelque chose que quelqu'un fait en employant l'expression. Qu'est-ce alors que la signi- fication? Une directive générale, une règle, pour son emploi dans la formation d'asser- tions vraies ou fausses. Ainsi revient-on, par le détour d'une théorie de l'emploi, à la distinction de Frege entre sens et référence; c'est parce que Russell l'aurait négligé qu'il · aurait été contraint à une reformulation compliquée du langage ordinaire et à une conception, que Strawson tient pour mytho- logique, des noms logiquement propres. L'engagement ontologique Une théorie de l'emploi ne règle cependant pas le problème de l'engagement ontologique par lequel nous créditons l'existence aux choses dont nous parlons; elle se contente de le localiser en disant que c'est seulement dans un emploi déterminé que notre langage se réfère à quelque chose que nous tenons pour exister. Mais qu'est-ce que se référer? Il faut alors revenir aux fonctions qui constituent la relation prédicative, c'est-à- dire le discours lui-même ; la relation prédi- cative repose sur la dissymétrie de deux fonctions qui s'exercent chacune par des moyens grammaticaux différents, mais qui ont chacune une unité de visée que l'analyse peut discerner; d'un côté nous procédons à des identifications, de l'autre nous donnons des caractères ou qualités, ou plaçons dans des classes. Les deux fonctions sont asymé- triques en ce sens que la première seule vise des singularités (identifier, c'est désigner une chose et une seule), la seconde seule vise des universaux. Cette asymétrie est, pour l'en- quête ontologique menée dans cet article, le trait décisif; car seule la visée des singu- larités, dans l'opération d'identification sin- gularisante, comporte une prétention et un engagement de nature ontologique ; deman- der si et comment les universaux existent, c'est exiger du prédicat ce qui ne peut relever que du sujet; bref, c'est instituer une symé- trie dans le questionnement, là où règne la dissymétrie des fonctions. Reconnaître cette dissymétrie, c'est liquider un faux problème que la philosophie traîne depuis Platon, celui du mode d'existence des universaux; c'est en même temps circonscrire un vrai pro- blème, celui de l'engagement ontologique qui accompagne la fonction d'identification. Cet engagement ontologique pose de nombreux problèmes et, du même coup, suscite de nouvelles difficultés. Remarquons d'abord que cette fonction est une fonction logique et non grammati- cale; elle s'exerce aussi bien par le canal des noms propres, des pronoms, des démonstra- tifs et des descriptions définies de Russell (le tel et tel); à cet égard, la chasse aux noms logiquement propres perd de son intérêt et il n'est plus besoin de rejeter les descriptions définies du côté du prédicat si, dans un emploi circonstancié, une authentique identification a lieu par le moyen d'une description définie. Mais si la difficulté particulière aux descrip- tions définies s'est évanouie, une autre la remplace qui concerne la fonction logique d'identification dans son ensemble : n'ar- rive-t-il pas qu'on identifie des êtres fictifs, tels que les personnages de roman et de théâtre? Il ne suffit pas de dire que, même dans ce cas, on pose l'existence de ces êtres, mais dans la fiction; il faut alors se demander comment la thèse existentielle peut être neu- tralisée; ce qui est un problème qui dépasse la philosophie linguistique; Husserl n'a pu le poser qu'à partir d'une théorie de la ré- duction. Disons ensuite que l'engagement ontolo- gique n'est compréhensible, de la part du locuteur du moins, aue si l'on donne, comme le demande J. L. Austin dans les dernières conférences de How to Do Things with. Words? une description complète de l'acte de discours (speech-act), si donc on tient compte, non seulement de la structure logique de la proposition qui constitue l'acte locutionnaire, mais de la force illocutionnaire qui le revêt (assertion, souhait, comman- dement, etc.); il apparaît alors que ce ne sont pas seulement les performatifs (promesse, ordre, souhait) qui font quelque chose « en» disant (d'où le nom d'illocution), mais que les constatifs aussi font quelque chose; l'en- gagement ontologique est précisément la force illocutionnaire des verbes de consta- tation ; il y a un «je crois que» impliqué dans l'assertion que quelque chose est Ue ne peux pas dire, sans me contredire au niveau de l'acte illocutionnaire : le chat est sur le tapis et je ne le crois pas). Mais le recours à la théorie du speech-act, en con- jonction avec la distinction entre identifier et prédiquer, ne va pas sans créer une ambi- guïté importante en ce qui concerne le «lieu » linguistique de l'engagement ontologique : est-ce le nom ou est-ce la phrase? On le voit, c'est une vieille question qui remonte à Frege. La théorie du speech-act implique que la force illocutionnaire habite l'acte du discours tout entier; en ce sens, c'est la phrase dans son ensemble qui dit l'être; si l'on suit, au con- traire, la théorie de la double fonction du discours, on tendra à dire que c'est la fonction identifiante qui supporte l'inten- tion existentielle; autrement dit, dire l'être, c'est faire deux choses : c'est prétendre que quelque individu existe, qui a des caractères ou qualités, ou qui appartient à telle classe; c'est en outre prétendre que l'état de chose que constitue la possession de tel caractère par tel individu est lui-même réel. On re- trouve, dans ce dédoublement, la difficulté rencontrée par Frege, Husserl et Russell de savoir si c'est le nom ou la phrase 9.ui, à titre primaire, comporte une implication onto- logique; la théorie de l'identification met l'accent sur le nom, celle de la force illocu- tionnaire sur la phrase. Il semble donc bien que le langage, en tant que discours, développe alternativement ou concuremment une onto- logie des choses ou individus et une ontologie des faits ou états de choses. Si maintenant on considère l'engagement ontologique du côté de la chose et non plus du locuteur, il faut bien distinguer entre la thèse sur le langage et la thèse sur le monde. Dire que le discours a deux fonctions : identifier et prédiquer, c'est énoncer quelque chose sur le langage lui-même; mais on énonce quelque chose sur la réalité hors du langage, si l'on dit, avec Strawson dans Individuals (1965), que les deux sortes de « particuliers de base » sur lesquels nous pouvons parler, dans le cadre de l'expérience humaine, sont les « corps » et les « per- sonnes». Une thèse sur l'identification sin- gulière est encore une thèse linguistique; une thèse sur les particuliers de base est une thèse extralinguishque. C'est pourquoi Strawson donne pour sous-titre à son ouvrage : Essai de métaphysique descriptive. La question est alors de savoir comment on passe des indi- vidualités signifiées aux particuliers de base dans la réalité. C'est sur ce passage que se joue l'engagement ontologique du discours; il constitue une véritable transgression du langage. J. Searle, dans Speech-Acts (1969), replaçant la thèse de Strawson de la double fonction du discours dans le cadre de la théorie du speech-act de Austin, n'hésite pas à appeler postulat cette prétention que l'identification singulière porte sur des indi- vidus existants. Mais, si c'est un postulat, peut-on le suspendre ou le changer? Et si c'est une croyance, ne peut-on la mettre en doute? Russell avait rencontré le problème dès les Princip/es of Mathematics lorsqu'il écrivait : « Les nombres, les dieux homé- riques, les relations, les chimères, les espaces à quatre dimensions ont tous l'être, car s'il n'y avait pas d'entités de ce genre nous ne pourrions faire des propositions à leur sujet. >> Nous avons réduit ces entités aux particuliers de base, mais nous n'avons pas changé l'ar- gument en vertu duquel nous postulons ces entités; des particuliers de base aussi nous disons : s'il n'y avait pas d'entités de ce genre, nous ne pourrions faire des identi- fications à leur sujet, ni nous engager dans la croyance qui fait la force illocutionnaire de la moindre constatation. ONTOLOGIE Qu'est-ce que ce postulat d'existence, impliqué par l'identification singulière? Qu'est-<:e que cette croyance, caractéristique de l'acte illocutionnaire propre aux asser- tions? Il semble bien ici que le langage s'appuie sur une foi ontologique dont il est le véhicule, mais dont il n'est pas l'ori- gine. @] Phénoménologie et ontologie Un nouvel accès à l'ontologie est ouvert par la phénoménologie, science descriptive des traits essentiels de l'expérience prise dans son intégralité. On peut y venir en partant de la discussion précédente : la possibilité que le langage se réfère à la réalité suppose que nous soyons déjà tournés vers la réalité et reliés à . elle par divers liens que le discours vient seulement porter au langage. Demander ce qui est ainsi porté au langage, c'est en appeler de la linguistique à la phénoméno- logie. Ce passage ne va pas sans difficulté : c'est encore dans le langage que l'on entend parler de ce qui précède le langage; disposons-nous d'un tel langage ? oui, disent les phéno- ménologues; ce langage n'est plus un lan- gage-objet, c'est-à-dire un langage portant sur les choses, il est un langage portant sur notre relation aux choses; ce n'est même plus un métalangage, comme celui dont parlent les linguistes, c'est-à-dire un langage sur le langage considéré comme ensemble des codes sur lesquels s'édifient nos messages : c'est un langage qui dit l'antérieur du lan- gage. Ce langage a toujours existé : c'est celui qui se forge dans l'ontologie des pré- socratiques et dans l'œuvre poétique des penseurs fondamentaux ; en aucun moment, l'homme n'a été démuni d'un langage qui dit notre inscription dans l'être et l'effa- cement du langage lui-même devant ce qui est. Dira-t-on que ce passage du langage-objet au langage qui dit l'antérieur du langage constitue un saut injustifiable de la référence, qui est encore un fait de langage, à la chose, qui est une réalité extralinguistique, ou, si l'on veut, de l'être-dit à l'être ? On répondra que ce passage doit en effet apparaître comme un saut pour qui s'est enfermé dans la clôture des signes; mais, si l'on comprend que nous sommes toujours orientés dans le langage vers ce qui est avant le langage, c'est la fer- meture du langage sur un signifié intra- linguistique qui doit être entendue comme la perte de la dimension ontologique, comme l'oubli de l'être; il est possible que l'hy- postase du langage comme monde clos des signes et l'engouement philosophique pour la linguistique - non la linguistique des linguistes - appartiennent aux symptômes de l'oubli de l'être. Mais l'oubli de l'être n'est jamais si entier que l'on ne puisse encore reconnaître la trace de l'affirmation ontolo- gique dans l'impulsion même qui porte le langage du signe vers le sens et du sens vers la référence; impulsion que l'on ne peut thématiser, de l'intérieur d'une philosophie du langage, que comme un postulat ou comme une exigence de la forme : il faut que quelque chose soit pour que l'on puisse parler à son sujet; postulat ou exigence dont on a vu l'énoncé chez Russell et chez Searle, mais qu'on pourrait tout aussi bien faire remonter à la fameuse introduction de Kant à la deuxième édition de la Critique de la raison pure : «Si rien n'existait, il n'y aurait rien non plus qui apparaisse. » Remplacez « apparaître » par « être dit » et vous aurez la formule du postulat par lequel la phéno- ménolo~ie se décentre par rapport à une philosophie du langage. Si nous sommes toujours orientés par le langage vers ce qui est avant le langage, comment le savons-nous ? La phénoménologie a, dès le début, été une investigation des structures du vécu qui précèdent l'articulation dans le langage, mais elle n'a pas toujours été une ontologie. C'est pourquoi il faut considérer une première étape où la subordination du langage aux structures du vécu est encore interprétée dans le cadre d'une philosophie idéaliste de la 100 conscience, et une seconde étape où le primat du vécu sur la conscience est interprété en termes ontologiques . En ce sens, l'émer- gence de la problématique ontologique. se fait à l'intérieur de la phénoménologie, bten que la phénoménologie, dans sa première phase, réunisse les conditions de cette émergence . La première étape est représentée par la phénoménologie de Husserl et ses prolon- gements da~s la p~énoménologie existe~ tielle françatse, ausst longtemps que le pn- rnat de la conscience s'y affirme (on y reviendra plus loin). Husserl Le mouvement qui se déploie à l'intérieur des Recherches logiques de Husserl est exemplaire pour cette première phénomé- nologie; après avoir critiqué l'interprétation psychologisante des lois logiques, Husserl avait posé, dans les Prolégomènes à ses Recherches, les vérités logiques comme en- soi; puis, dans les quatre premières recher- ches, il relie les significations du langage à l'acte de donner sens, dont ces significations deviennent le corrélat objectif; puis, à partir de la cinquième recherche, il fonde ce rapport sur un trait général de toute conscience, au sens d'expérience vécue, à savoir la pro- priété de se rapporter à quelque chose. Cette intentionnalité fut longtemps conçue par Husserl en un sens qui satisfait à sa fonction logique; l'intentionnalité ne se borne pas à la formule vague : toute conscience est conscience de ... ; viser quelque chose, c'est viser quelque chose d'identique, un« même», susceptible d' . être répété et reconnu comme même; ce que nous appelons objet est une telle unité de sens ; ainsi l'intentionnalité, au sens fort, est la visée d'un sens iden- tique. Mais la formule générale de l'intentionna- lité devait entraîner la phénoménologie à dépasser sans cesse le cadre de ses préoccupa- tions logiques initiales; elle affirme d'abord l'aspect noétique -le pouvoir de se rappor- ter à quelque chose - de tous les actes non objectivants : affects, volitions, etc.; elle découvre ensuite la variété des formes de remplissement par lesquelles la visée de quelque chose s'accomplit concrètement; elle souligne en outre l'aspect positionne!, thétique, par lequel la conscience affirme l'être de ce qu'eUe vise; cette doxa, sous- jacente à toute affirmation gue cela est, rappelle l'engagement ontologtque souligné par la philosophie analytique de langue an- glaise dans sa description du speech-act; mais la phénoménologie en cherche l'enra- cinement dans les fonctions prélinguistiques; enfin, elle reconnaît de plus en plus dans la perception le recueil de tous ces traits de l'intentionnalité opérante - au point d'in- fléchir toute la phénoménoloçie vers une phénoménologie de la perceptton. En tout cela, le langage a perdu sa prééminence; il est seulement la couche de l'expression; comme tel, il ne produit rien, sinon la transposition, dans les articulations du signe, de ce qui est déjà préarticulé dans la structure de la noèse (ou visée) et du noème (ou corrélat objectif) . Et pourtant, il est difficile d'appeler la phénoménologie husserlienne une ontologie. Dans les Idées (1912) et plus encore dans les Méditations cartésiennes (1929), Husserl donne une interprétation idéaliste de ces structures; selon la thèse de la constitution, c'est la conscience qui constitue non seule- ment le sens, mais les caractères d'être correspondant à la conscience doxique (sur doxa, cf. supra). Le monde, comme ensemble des corrélats de conscience, pourrait ne pas être ; seule la conscience est ce qui ne peut pas ne pas exister; c'est elle donc qui a l'être nécessatre et l'absolu; le monde, par sa contingence, a seulement l'être . relatif du phénomène. Mais, de la même manière que par son développement la phénoménologie marquait le dépassement de son propre point de départ logique, elle marque aussi le débordement par l'intérieur de son propre point d'arrivée idéaliste. Une nouvelle ontologie procède de ce débordement. En découvrant l'antérieur à tout langage, à tout jugement, à toutes opérations prédi- catives, la phénoménologie découvrait la limite de la constitution elle-même, en tant qu'opération active; l'antéprédicatif enve- loppe des synthèses passives, c'est-à-dire des organisations qui ne sont plus au pouvoir de la conscience et qui trahissent une réceptivité préalable à toute imposition de forme. Une nouvelle sorte de réflexion procédant à une interrogation régressive découvre les ren- vois au primitif - Merleau-Ponty dira à «l'être sauvage» - impliqués dans le tra- vail même de la constitution. C'est ainsi que la phénoménologie, partie de préoccu- pations logiques, arrive à thématiser un monde de la vie - une Lebenswelt - anté- rieur au monde verbal et logique. Il est vrai que, à la différence de tout phénoménisme et de tout empirisme, la phénoménologie ne va pas jusqu'à affirmer la possibilité de res- tituer dans une expérience actuelle quelque chose comme des sense-data ; l'antérieur reste toujours l'antérieur impliqué dans le questionnement à rebours et jamais le donné, tel un paradis perdu reconquis. C'est pourquoi cette fuite en arrière pouvait encore être interprétée dans les limites d'un idéalisme de la constitution. Une interprétation proprement ontolo- gique ne pouvait procéder que d'un « ren- versement», opéré dans et par la phéno- ménologie. Ce qui est renversé, c'est le primat de la relation sujet-objet, qui domine encore la phénoménologie husserlienne et son investigation des corrélations entre noèse et noème : or ce primat ne peut être mis en question que si l'on renonce en même temps à la centralité de la conscience qui commande toute la problématique de la constitution; l'interprétation idéaliste de la phénoménologie n'est pas en effet arbitraire; elle est la juste transcnption, dans les termes d'une polémique ancienne avec le réalisme, dh primat du cogito qui règne encore dans les analyses de l'antéprédicatif et de la Lebenswelt. Heidegger Le «renversement » du primat de la conscience a trouvé son expression exem- J?laire dans L'Etre et le Temps de Heidegger (1927); même si cette œuvre suscite à son tour un « retournement » ultérieur, elle est déjà le renversement à l'œuvre. Il suffit de considérer la progression des thèmes de L'Et re et le Temps pour en mesurer l'ampleur. On ne part pas du cogito, mais de la question de l'être; et on va de l'être qui engendre la question à l'être qui questionne ; cet ordre, qui commande la célèbre introduction de L'Etre et le Temps, est en lui-même signi- ficatif; il implique que la conscience n'est pas la mesure de toute chose; l'homme ne sera pas désigné par cette conscience, mais par l'être même qui lui donne d'être le ques- tionnant de l'être; c'est pourquoi le ques- tionnant lui-même est désigné par un terme ontologique : Dasein, être le lieu, le « là » de la question de l'être. L'analytique du Dasein, thème central de L'Etre et le Temps (Sein und Zeit), est encore une phénomé- nologie, mais en un sens nouveau; elle dit l'apparaître d'un «étant», dont toute la condition est d'être ouvert à la question de l'être. Par son ordre interne, cette analytique traduit à son tour le primat de l'être sur le connaître. On part de la structure globale d'« être-dans-le-monde», dont la relation sujet-objet, même énoncée en termes d'inten- tionnalité, n'est qu'une forme dérivée; puis, dans l'analyse de cette structure, on considère le versant« monde», qui, avant même qu'on ait accentué le pôle existentiel, contient des relations de signification (par exemple dans l'agencement instrumental et le renvoi de chaque ustensile à une totalité mondaine). Enfin, on examine la relation « être-dans » qui, avant d'exprimer une relation d'inclu- sion que la conscience pourrait encore do- miner, désigne une relation d'appartenance de familiarité q~e l'acte ~'habiter o~:~ encore - f~ sollicitude expnment mœux que l'mtellec- 'on du géomètre; seul connaît celui qui a R•abord avec les choses cette proximité de cgoucL C'est cette analyse ~e l'«,être-d:;ms » · Ciui tient en germe toute phenomenologie du orps propre. c Alors seulement peut être développée une ualyse non idéaliste du «là» de l'être-là. Ânalyse. non idé.a)iste, en C!! SC?ns que. viendra eri dernière positiOn la theone des enonces, quç non seulement l'empirisme logique mais - la phénoménolo,gie des Reckerches Jqgiques 'de Husserl plaça1ent en prem1ere pos1tlon; en remière position vient le couple « se trouver gn situation» et «.s'y oriente! par projet~>; il faut d'abord av01r des racmes et projeter ses possibles les plus propres sur le fond de :cet être donné pour que s'ouvre une problé- matique de la compréhension et de l'inter- prétation; cette dernière ne procède donc pas, à titre abso)u 1 .d~ I'exist~~ce de textes, mais de la possibilite d'exphctter da..ns des sens multiples la compréhension que nous 'Prenons du rapport entre notre situation et nos possibilités; c'est cette bipolarité initiale , qui engendre la situation herméneutique, en ce sens qu'il est toujours possible de com- : prendre davantage et d'interpréter autrement " la condition ontologique de l'existant que nous sommes. Dès lors, le discours, en tant que milieu d'articulation, et les énoncés, dont la logique fait la théorie en termes de fanc- . tl'ons propositionnelles, constituent seule- ment les formes dérivées de ces structures ontologiques primordiales; l'oubli de l'être commence avec l'hypostase de ces formes dérivées, comme on voit dans le logicisme, dans l'empirisme logique, dans le structura- lisme et dans toutes les philosophies qui s'enferment dans l'enceinte des structures de langage. Gabriel Marcel Le même retour à l'ontologie, opere par f!:eidegger à partir de la phénoménologie, est effectué par Gabriel Marcel à partir de descriptions de caractère beaucoup plus existentiel; le pacte, en effet, est ici entre être et existence plutôt qu'entre être et phéno- mène; par existence, il faut entendre, comme cl)ez Kierkegaard, le surgissement concret de l'individu humain, considéré à la fois dans son incarnation physique et sociale, !lans sa relation dramatique à un « toi » et dans sa capacité de refuser ou d'assumer sa condition mortelle; c'est de cette existence que, dans un texte de 1925, Existence et objectivité, Gabriel Marcel dit qu'elle pré- cè~e la pensée par objet ou par représen- tation. S'il est vrai du cogito qu'il «garde le seuil du valable», ou encore du problé- lllatisable, l'existence ouvre, comme le DMas_ein chez Heidegger, l'accès au mystère. , a1s si l'intention est proche, comme lors- que le penseur français parle de l'être-avec etd de l'être-chez, ses analyses, à la différence e celles de Heidegger, témoignent d'un , souci aigu des relations de personne à per- SOJ?.ne, auquel le théâtre est plus apte que la P~IIosophie à rendre justice; dès lors, rien n.est moins abstrait que l'ontologie; s'ins- PM•rant de l'interprétation de Nietzsche par ~x Scheler, Gabriel Marcel voit dans l'es- ~nt d'abstraction, dirigé contre la vie, 1 expression de la puissance dévastatrice du <~ressentiment», générateur de fanatisme; ~ - OPP<;~sant au ressentiment et ripostant à la entatwn du désespoir, l'espérance du malgré tout est sans doute l'expérience ontologique par excellence; par elle, nous avons l'assu- hance d'appartenir à «un monde invisible ors duquel tout ne serait que délirante absurdité et dont les grands spirituels d'une ~art, les grands musiciens de l'autre, un ach, un Mozart, un Beethoven, avant tout, noéus .ont livré les inestimables et fulgurants Pr rntces ». Mer/eau-Ponty L'œuvre de Merleau-Ponty, sur laquelle on terminera cette revue des philosophies qui opèrent le retour à l'ontologie par la phénoménologie, est sans doute celle qui répond le mieux à ce titre. On peut dire, pour faire court, qu'elle témoigne de l'inflé- chissement progressif de la phénoménologie de Husserl dans le sens de l'ontologie hei- deggérienne, avec l'appoint de thèmes mar- celliens, comme celui du corps propre, thèmes parfaitement assimilés à un projet original. La publication de Le Visible et l'Invisible (1963), dont la rédaction com- mencée en 1959 fut interrompue par la mort de l'auteur (1961), a permis de mesurer le chemin pi\crcouru par celui-ci depuis la phénoménologie de la perception. Dans cette œuvre maîtresse, MerleaucPonty menait une lutte sur deux fronts, celui du béhaviorisme et celui de la philosophie intellectualiste du jugement, et visait à réhabiliter le perçu, en deçà du langage et au niveau où Je corps propre immerge le sujet dans le monde vécu. Mais, considérée rétrospectivement, cette phénoménologie existentielle, qui conjoi- gnait ]es notions de sens et de vécu, s'avère porteuse d'une ontologie proche de Hei- degger et aussi éloignée que celle-ci de toute psychologie et de toute biologie; aussi bien les écrits de la période intermédiaire (Signes) attestent-ils que le philosophe cherchait aussi du côté de l'art - singulièrement de la pein- ture - le chemin de l'admiration ontolo- gique. Mais il fallait rompre avec la philo- sophie de la conscience qui animait l'enquête psychologique de la Phénoménologie de laper- ception ; et même il fallait rompre avec cette forme subtile de la philosophie de la cons- cience que l'auteur avait élaborée sous le titre du « cogito tacite» et avec l'appui des signi- fications non langagières. La rupture avec la psychologie du vécu n'est complète que si l'on cesse de partir de la distinction cons- cience-objet et si l'on adopte le préalable heideggérien de l'implication du sujet dans l'être; les notes obscures, en appendice à l'ouvrage posthume, sur l'être des lointains, sur l'être de latence, sur l'être sauvage, sur le langage de l'être annoncent une ontologie difficultueuse, en lutte avec Je langage tradi- tionnel et avec son propre langage; en parti- culier le concept même de chair - ma chair est la chair du monde-, appliqué désormais au visible, au monde, à l'histoire, vise à une inscription sensible du rapport avec l'être qui devient, pour la philosophie, l'innom- mable. Au-delà de 1 'ontologie Cette sorte d'exténuation de l'ontologie- pour ne pas dire de mort - chez ceux-là mêmes qui ont le plus fait pour la restaurer par-delà la fin de la métaphysique est sans doute le paradoxe le plus saisissant du retour à l'ontologie. Ce thème a, lui aussi, son point de départ chez Heidegger. En effet, la même exigence ontologique, qui l'avait conduit à renverser le primat de la conscience et celui de la relation sujet-objet, le conduit à un renversement à l'intérieur de sa propre philosophie. L'Etre et le Temps maintenait encore la centralité de l'être-là; cette réfé- rence à l'être que nous sommes pouvait, en dépit des intentions clairement enoncées dans la grande introduction de 1927, encou- rager une interprétation anthropologique de L'Etre et le Temps, que les thèmes de l'angoisse, de l'« être pour la mort », de J'existence authentique et résolue semblaient encore confirmer. Dans sa dernière philo- sophie, Heidegger renonce à cette référence à l'étant humain et cherche à dire les affleu- rements de l'être qui ne passent pas par la référence à l'être que nous sommes. Le retour aux présocratiques et à leur ontologie anté- rieure à la métaphysique, l'écoute des poètes - de ceux principalement qui poé- tisent sur la poésie - , la méditation sur la vie simple et son émerveillement quotidien offrent les voies diverses et convergentes d'une ontologie directe, qui atteste que l'homme, la conscience, la liberté sont requis par l'être même, avant toute prétention de leur part à régner et à constituer le sens. Dans une ultime tentative pour s'affranchir de la dictature la plus tenace, celle du sujet ONTOLOGIE parlant, le penseur fondamental tente, dans En chemin vers le langage (1959), de subor- donner le pouvoir de parler, qui est notre œuvre et notre gloire, à celui de dire, qui est le dire même de l'être et qui nous est adressé avant que nous dirigions notre discours de nous-mêmes vers les choses. Mais ce dire est-il encore du ressort de la philosophie, en tant que mode de pensée inventé par les Grecs, avec sa discipline et sa technique? Il semble bien que le court-circuit entre être et dire fasse exploser le discours, lequel, depuis Platon et Aristote, s'applique aux «formes », - :l'lux« déterminations ». - Bien plus, l'idée même d'être n'est-elle pas contestée par une expérience si fondamentale, et à la fois si primitive et si simple, que rien dans le discours philosophique de la Grèce et de l'Occident ne lui convient plus? Il n'est pas étonnant que Je mot même d'être, dans un des derniers opuscules de Heidegger, s'écrive avec une croix qui le biffe. Faut-il parler non seulement d'un au-delà de la métaphysique, mais d'un au-delà de l'ontologie? «Et que signifie ce Sein barré? » demande Jean Wahl, « soit qu'à l'être ne convient aucun nom, soit que l'être n'est qu'un nom. Et les deux peuvent être soutenus. » Faut-il dire «la chose» (das Ding)? ou 1'« événement» (Ereignis)? Mais faut-il dire une seule chose? Dans le sens où nous avons parlé d'un polythéisme de l'être à propos des Idées pla- toniciennes, on pourrait parler d'un poly- théisme postontologique avec Je Quadriparti de Heidegger, ciel, terre, mortels, immortels. Quelques postheideggériens cherchent un autre nom pour cet au-delà de l'être. Emmanuel Levinas soupçonne que la caté- gorie d'être a partie liée avec celle de tota- lité, sous laquelle toute chose est ramenée au « Même », et lui oppose celle d'Infini qui a plus d'affinité avec l'idée de l'« Autre» que chaque visage exemplifie. Michel Henry, de son côté, voit l'idée d'être liée à celle de transcendance, vers quoi on se porte et on se dépasse par effort; à quoi il oppose J'expérience de passivité, accessible au seul sentiment et plus primitive que celle de l'intentionnalité de l'être. Jacques Derrida, poursuivant le thème de Levinas de la trace de l'être, thème solidaire il est vrai chez ce dernier de sa méditation sur le visage, s'efforce d'en retrouver le principe dans l'écriture, dont l'origine lui paraît refoulée par le règne de la parole; mais alors c'est le pacte entre être, logos et voix qu'il faut mettre en question et c'est la Différence qu'il faut mettre au-delà de l'Etre et du Même. Le paradoxe est que la pensée, qui veut penser au-delà de l'ontologie, se trouve ramenée aux dialogues dans lesquels Platon s'était fait critique de Platon et de l'on- tologie. P.R. Bibliographie Introduction E. KANT, Critique de la raison pure (Kritik der reinen Vernunft, 1781, 2• éd. remaniée, 1787), trad. A Trémesaygues & B. Pacaud, Paris, 1903, rééd. 1965 1 C. WOLFF, Ontolo- gica, in Opera latina, Francfort-sur-le-Main, 1728-1748. Métaphysique et ontologie ARISTOTE:, La Métaphysique, trad. A Tricot, Paris, 1953 1 P. 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O.N.U. -+ NA TI ONS UNIES 102 Les tentatives « visuelles » de Marcel Duchamp répondent à une volonté d'anti-art : « Rotorelief (disque optique) - ».- 1935, carton . The Museum of Modern Art, New York . OP ART [J] Les antécédents [TI Géographie de l'op art [Il Systématisation de l'op art @) L ' op art et l'environnement [TI Influence sociale de l'op art Le problème des rapports dialectiques entre vision objective et vision subjective, entre phénomènes physiologiques et phénomènes psychiques, et l'intrusion de ce débat scientifique dans le domaine artistique ont abouti, au cours des an- nées soixante, à une démarche plastique qui favorisait certains effets et certaines illusions optiques. Une grande exposition, « The Responsive Bye », au musée d'Art moderne de New York (1965), a permis d'amalgamer deux types de sollicitations visuelles « géométriques >> pratiquées depuis fort longtemps l'ambiguïté perceptuelle, à l'aide notam- ment de surfaces et de structures colorées, très en vogue aux Etats-Unis, et la suggestion coercitive du mouvement, à l'aide notamment de lignes et de trames en noir et blanc, utilisée abondam- ment par les artistes européens engagés dans l'art cinétique au sens large du terme. . Dorénavant, l'expression « op art » (optical art), art optique, employée pour la première fois par un rédacteur de la revue Time, en octobre 1964, pendant les préparatifs de cette exposition, ~~ trait dans le langage commun pour desi- gner, en particulier, des constructions bidimensionnelles à effets psychophy- siologiques forts. Ainsi des structures périodiques utili- sant différentes figures géométriques, la superposition de trames o~ la juxta- position des couleurs et d1vers autres procédés à la fois artistiques et scien- tifiques qui produisent les phénomè- nes cp, l'effet moiré, l'irradiation . ~?t . la diffusion des couleurs, leur diVISIOn d'intensité les contrastes simultanés, successifs ~u mixtes, la croissance et la décroissance de la couleur et du ton, l'interférence de la couleur; tous . ces phénomènes donn~nt ljeu à des ~xci tations de la rétme, a des pulswns, convulsions et autres réponses fortes au mél~nge optique, aux doubles inter- prétations (renversement de la figure et du forid, dialectique entre couleurs « chaudes » avançantes et couleurs «froides» reculantes), à une ambiguïté globale et à une instabilité permanente des éléments plastiques. Mais la spécificité de l'op art n'a pas été maintenue pendant longtemps . Le courant américain « géométrique » et « postgéométrique » a rapidement été absorbé par d'autres mouvements, d'autres groupes qui se succédèrent à un rythme croissant (Primary structures, Hard-edge, Minimal, etc.). En Europe, une distinction utile s'est établie entre « mouvement optique » et mouvement réel. Mais, en général, l'art optique et l'art cinétique ont poursuivi leur chemin ensemble et ont abouti à des expressions, occupant de grands espaces, parfois appelées « environnements ». Les pionniers de l'op art ont voulu faire de chaque spectateur un « parte- tenaire », attitude qui peut expliquer certaines répercussions sociologiques de leurs recherches dans l'esthétique indus- trielle et vestimentaire. Il est vraisemblable que cette attitude a également contribué à une éducation, ou à un choc visuel procurant des sensations inédites et mettant en valeur les capacités visuelles et combinatoires de chacun. IIA285 Ontologie, wordOk IIA285 Ontologie, ok
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Ontologie
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Ricoeur, Paul (1913-2005), “Ontologie”, 1972, IIA285. Consulté le 20 mai 2025, https://bibnum.explore.psl.eu/s/psl/ark:/18469/2z059
À propos
"Ontologie" est un article de synthèse pour l’"Encyclopædia Universalis" revenant sur ce domaine central de la réflexion et du questionnement philosophique. Effectuant tout en parcours en histoire de la philosophie, mais aussi relativement à différents modes de problématisation, Ricœur aborde l’ontologie à partir des héritages grecs, en tant qu’enjeu commun à la philosophie et aux sciences de la nature ou de la pensée scientifique, en tant qu’interne au langage et au discours, et du point de vue des investigations phénoménologiques.
Notice
Contributeur
Site du contributeur
Éditeur
Date de création
1972
Textes en liaison
Essais philosophiques, éthiques et politiques (1948-2005)
Langue
fre
Type
Texte
Description physique
pp. 94-102
Sujets
Être
Histoire de la philosophie
Idéalisme
Langage
Monde de la vie
Observable
Ontologie
Phénoménologie
Réalisme
Sciences de la nature
Vedettes Rameau
Source
IIA285
Identifiant
ark:/18469/2z059
Détenteur des droits
Fonds Ricœur
Numérisation Fonds Ricœur